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Le blog d'Alain Boublil

 

Emissions : le CO2 et les particules

En quelques jours, une bonne et une (très) mauvaise nouvelle ont été enregistrées. L’Agence Internationale de l’Energie a révélé qu’en 2014, le montant global d’émissions de CO2 résultant de l’utilisation de l’énergie (hors donc transports routiers) était resté stable. C’est une première car cette stabilité a été constatée malgré la reprise économique. Auparavant elle  résultait d’une baisse ou d’une stagnation de l’activité.

Au même moment, Paris était frappé par un épisode de pollution aux particules fines (PM10) d’une extrême gravité qui en faisait, l’une des grandes capitales les plus polluées au monde, titre peu glorieux, alors qu’elle s’apprête à héberger la grande conférence sur le climat, la COP 21, au mois de décembre. Cette concomitance révèle le formidable malentendu, pas innocent d’ailleurs, relatif à la dégradation du climat et de la qualité de l’air.

Les conséquences, qui ne sont plus sérieusement discutées aujourd’hui, de l’augmentation des émissions de CO2 sur le climat sont globales. C’est l’ensemble des émissions qui a des répercussions sur l’ensemble de la planète. Il n’y  a aucun lien entre l’action menée par un Etat et l’évolution du climat dans cet Etat. Et c’est bien pour cela que la question doit être traitée dans le cadre d’une concertation internationale. Mais la récupération politique locale de ces questions globales peut conduire à des erreurs et à des choix contre-productifs.

La stabilité des émissions en 2014 provient essentiellement des Etats-Unis et de la Chine. Outre-Atlantique, superbe paradoxe, c’est la révolution du gaz de schiste et de sa transmission dans l’économie par le système des prix. La hausse de la production de gaz, dont l’exportation était, jusqu’à peu, impossible, a provoqué la baisse des cours et a mécaniquement conduit les producteurs d’électricité à réduire l’activité des centrales à charbon au profit des centrales à gaz. Les marges (spark spread et dark spread) ont joué un rôle décisif dans les décisions des opérateurs et l’Etat n’a eu nul besoin d’intervenir. Ce phénomène est durable et représente plusieurs centaines de millions de tonnes par an, l’équivalent des émissions de la France.

Pour la Chine,  la mutation du modèle de croissance (moins d’industrie lourde, plus de services) et la modernisation de l’outil de production d’électricité commencent à porter leurs fruits en terme d’émissions. Les vieilles centrales au charbon sont remplacées par des unités modernes, souvent, là aussi au gaz naturel. La contribution, dans les deux pays, des énergies renouvelables reste secondaire car il ne faut pas s’illusionner sur les chiffres  de capacités nouvelles mises en service. Dans l’éolien il faut une puissance installée quatre fois supérieure à celle d’une centrale nucléaire pour fournir la même production. Et pour le photovoltaïque, le rapport est de un à huit. A cela s’ajoute, tant qu’on n’aura pas trouvé un moyen fiable et économique de stocker l’électricité produite, l’intermittence qui fait que l’électricité est produite à des moments où on n’en a pas forcément besoin, ce qui désorganise le réseau et le système des prix.

En France, les éoliennes ont produit 16 TWh en 2014 et les panneaux solaires 5,5TWh. Pendant ce temps là, le parc nucléaire livrait aux consommateurs français et européens, 416 TWh. Et si la France est exemplaire en matière d’émissions de CO2, c’est bien pour cette raison, et pas grâce aux renouvelables avec des émissions par habitant  de cinq  tonnes alors qu’elles atteignent près du double en Allemagne. Le développement des énergies renouvelables a rendu indispensable le maintien en service des centrales à charbon. Et la situation va s’aggraver avec la fermeture programmée des dernières centrales nucléaires.

Les renouvelables ne sont donc pas la panacée. Les objectifs doivent surtout être mieux  ciblés. En France, il y a  des régions, la Corse, l’Outre-mer, où les conditions sont réunies, puisqu’il n’y a ni gaz naturel, ni nucléaire et alors qu’on n’y est pas avare de subventions et de niches fiscales. Malheureusement, il ne s’y passe rien : pour l’éolien, ces territoires arrivent à peine au niveau du Limousin. Et pour le photovoltaïque, il y en a plus en Alsace qu’aux Antilles…

Exemplarité pour le CO2, mais pas pour les émissions de particules puisque Paris connait de façon de plus en plus fréquente des épisodes gravissimes, dommageables pour la santé publique. C’est nouveau et l’origine du phénomène est locale. Jamais par le passé la ville n’avait été confrontée à une telle situation et on ne peut l’imputer aux Chinois ou à qui que ce soit d’autre. La politique de la municipalité depuis dix ans s’est fixé comme objectif prioritaire précisément de lutter contre la pollution. C’est un échec cinglant : les mesures adoptées ont eu l’effet exactement inverse. Un raisonnement faux aboutit presque toujours au contraire du but recherché. Pendant 20 ans, le dogme, pour lutter contre l’inflation, c’était, le contrôle des prix. Cette politique avait beau échouer, personne n’en démordait,  jusqu’au jour où  un homme courageux, Pierre Bérégovoy, renversa le dogme et entama le processus de libération. La concurrence fut plus efficace  que l’appareil bureaucratique et cette politique fut un succès.  

Même si les comparaisons internationales doivent être affinées, qui aurait dit, il y a dix ans que l’on citerait Paris comme ville polluée ? C’est bien la politique conduite, basée sur des raisonnements faux, qui est à l’origine de ce désastre écologique. La réduction du nombre des déplacements en voiture ou en camions, qui était le but recherché, a été plus que compensée par l’allongement de la durée de ces déplacements avec des rejets de particules massifs, du fait de l’immobilisation des véhicules dans les embouteillages ou aux feux rouges, dont le nombre a été accru. A l’heure des applications sur smartphones et des montres connectées, ne peut-on mettre en place des feux intelligents qui se régleraient automatiquement pour fluidifier le trafic ?

La diminution du  stationnement en surface, au profit de toute une série d’usages, depuis les transporteurs de fonds jusqu’aux bornes de recharge, contraint les habitants, les visiteurs ou les livreurs à circuler plus longtemps à la recherche des places vacantes. La réduction des voies de circulation ou leur affectation à des moyens de transport en commun qui les sous-utilisent, pénalise le trafic et génère des embouteillages. La transformation qui s’accélère des locaux d’habitation en surfaces commerciales ou en bureaux donne un urbanisme éclaté qui éloigne l’habitant de son lieu de travail. Gratuité du stationnement en cas d’épisodes ? Mais le dispositif d’information est insuffisant et il est en réalité impossible de savoir avec certitude si tel ou tel jour, c’est gratuit ou non, ce qui ne dissuade pas les agents verbalisateurs de sanctionner.  

Et, pour couronner le tout, les avantages fiscaux accordés au diesel. Qu’est-ce qui aurait empêché la ville et les départements limitrophes d’obtenir de l’Etat l’instauration d’une taxe locale qui réduirait l’écart avec l’essence sans pénaliser les sympathiques agriculteurs de Corrèze ou du Poitou ? Et en plus, ces collectivités y trouveraient de nouvelles ressources.

Exemplarité. C’est le mot d’ordre, pour la France, de la COP 21. On aimerait qu’il s’applique aussi à Paris.