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Le blog d'Alain Boublil

 

Transition énergétique : Lever la grande contradiction

Le réchauffement climatique découle des émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines, au premier rang desquelles figurent la production et l’utilisation de l’énergie. Il s’agit, ce qui est trop rarement rappelé, d’un phénomène global. C’est l’action de tous les pays qui compte et il n’y a aucun lien entre le comportement d’un pays et les dommages qu’il pourrait subir sur son territoire. A l’inverse, son action profitera à tout le monde en proportion de la part qu’il occupe dans l’ensemble des émissions. Ainsi, si la France atteint ses objectifs de neutralité carbone, elle ne sera épargnée par les crises météorologiques comme la sécheresse ou la montée des océans que si les autres pays apportent leur contribution. D’où l’importance d’une coordination des actions dans le monde.

La décennie 2011-2021 a été marquée par un net ralentissement des volumes d’émission dans le secteur de l’énergie. Mais il est le résultat d’évolutions très différentes suivant les pays. Les pays développés ont enregistré une baisse significative, les Etats-Unis, à hauteur de 600 millions de tonnes de CO2, l’Europe de 800 millions et le Japon de 150 millions. Cette baisse découle de la réduction de la consommation de charbon au profit du gaz naturel, surtout aux Etats-Unis, et du développement des énergies renouvelables, solaire et éolien, principalement en Europe. Mais la production des énergies fossiles s’est accrue et les efforts en vue de réaliser des économies d’énergie dans ces pays n’ont pas encore produit de résultats significatifs.

Les pays en développement ont, eux, continué à accroître leurs émissions, le Moyen-Orient à hauteur de 400 millions de tonnes, l’Inde de 800 millions et la Chine de 1,7 milliard. Ces chiffres montrent bien la nature des enjeux et les responsabilités de chacun mais pour être juste, il faut rappeler que c’est le stock dans l’atmosphère de gaz à effet de serre qui est en cause et pas seulement les nouvelles émissions. Il est donc difficile de faire le procès des pays en développement alors que le stock résulte pour une très large part des émissions produites depuis des décennies par les pays développés.

Ces tendances ont été bouleversées par la crise énergétique consécutive aux sanctions adoptées par les pays occidentaux contre Moscou. Elle intervenait en période de reprise économique avec la fin, sauf en Chine, des mesures de restriction aux déplacements qui avaient aussi contribué en 2020 et en 2021 à la réduction des émissions. En Europe, il a fallu en urgence trouver des substituts aux importations de gaz russe. Protéger la sécurité de la production d’électricité est devenue la priorité au détriment du respect des objectifs environnementaux. Cette situation a été aggravée par l’indisponibilité d’une partie importante du parc nucléaire français. Il avait permis au pays chaque année d’exporter entre 40 et 60 TWh.

Les énergies éoliennes et solaires fonctionnent toujours au maximum de leurs capacités, en fonction du vent et du soleil. Il a donc fallu trouver de nouvelles sources, essentiellement des énergies fossiles, au premier rang desquelles a figuré le gaz naturel. Mais celui-ci ne peut se transporter que par gazoduc ou sous forme liquéfiée par bateau. Les gazoducs à destination de l’Union Européenne et du Royaume-Uni non visés par les sanctions étant saturés, l’essentiel s’est reporté vers le Gaz Naturel Liquéfié. Les Etats-Unis et les pays du Golfe disposaient de capacités disponibles et ont accru leur production et leurs exportations vers l’Europe. La Russie a alors réorienté une partie de ses exportations vers la Chine et dans une moindre mesure vers l’Inde.

Inquiets des risques de pénurie pendant l’hiver, les Etats ont demandé dès l’été 2022 aux énergéticiens d’anticiper leurs achats pour disposer de stocks suffisants. Il en a résulté une hausse sans précédent des cours du gaz naturel laquelle, du fait des mécanismes européens de fixation des prix de l’électricité, s’est traduite par une hausse considérable de son prix autant pour les ménages que pour les entreprises. Les Etats, déjà affectés par les conséquences de l’épidémie, ont dû instaurer des boucliers tarifaires ce qui a encore accru les déficits publics.

Mais le recours à d’autres fournisseurs de gaz n’a pas été suffisant et les producteurs d’électricité en Allemagne et en Pologne notamment ont eu recours à leurs centrales à charbon dont la production a augmenté, ce qui a causé une forte hausse des émissions de CO2 puisque que ces centrales sont bien plus polluantes que les centrales à gaz. La France a même dû rouvrir une unité de production dont la fermeture définitive avait pourtant été annoncée. Les tensions sur le marché du gaz ont aussi conduit la Chine à accroître la production de ses centrales à charbon puisque les pays Européens avaient fait monter les prix du gaz en provenance du Golfe et les capacités supplémentaires de transport en provenance de Russie étaient limitées.

On doit tirer au moins deux enseignements de ces évènements au regard de la transition énergétique. Le premier, c’est qu’aucun Etat, quelles que soient les conséquences à court terme pour l’environnement, ne peut renoncer à la sécurité de ses approvisionnements, pour l’électricité comme pour les carburants. Il s’agit de biens essentiels pour les ménages et pour les entreprises. Les appels à la sobriété et la modification des comportements peuvent abaisser les tensions mais aucun gouvernement ne prendra le risque de devoir imposer des coupures massives de courant s’il peut, grâce à ses centrales électriques, même si elles sont polluantes, l’éviter. De même, il n’hésitera pas à procéder à des réquisitions pour assurer la distribution de carburants. Le nouvel accord passé entre l’Arabie Saoudite et la Chine pour la construction et l’approvisionnement de deux nouvelles raffineries montre aussi que l’arrêt des investissements en faveur des énergies fossiles n’est pas pour demain.

Le second enseignement, c’est que les énergies renouvelables ne peuvent être la réponse face à ce type de crise. L’Allemagne vient d’en apporter la démonstration. Le pays, en fermant ses centrales nucléaires, pensait que ses champs d’éoliennes pourraient satisfaire les besoins du pays. Les évènements récents ont apporté la preuve qu’il n’en était rien. Au moment où il est prévu, en Europe et dans les principales économies d’accroître la consommation d’électricité pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment pour effectuer des déplacements de personnes ou de marchandise, il convient d’être conscient que cela n’a de sens qui si la production d’électricité est elle-même décarbonée. On ne contribue pas à la lutte contre le réchauffement climatique en rechargeant la batterie, produite en Chine, de son véhicule avec de l’électricité fournie par une centrale à charbon.

Pour surmonter ces contradictions, les bouquets énergétiques des pays doivent donc être composés d’énergies renouvelables intermittentes et d’une partie significative de sources non intermittentes qui garantissent la sécurité des approvisionnements. Parmi celles-ci le nucléaire a un rôle stratégique à jouer et on ne doit pas être surpris si de nombreux pays, passant outre l’hostilité de certaines forces politiques locales, ont procédé à un tournant dans ce domaine. Les réticences des institutions européennes sous la pression d’Etats dont le poids est très minoritaire sont incompréhensibles et doivent donc être surmontées.  

L’Europe s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a pas de meilleur moyen pour résoudre les contradictions entre la sécurité énergétique et la transition énergétique que d’engager une nouvelle phase de développement du nucléaire et de fermer les centrales à charbon.

    

                 

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