Vous n'êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

S'inscrire

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

La Chine est repartie

La publication des derniers indices du climat des affaires en Chine montre que la sortie du confinement et la fin des vacances du Nouvel An Lunaire se sont traduit par un redémarrage de l’économie chinoise plus fort qu’attendu par les économistes des pays développés et par le monde politique en général. Les autorités chinoises avaient été fortement critiquées pour la rigueur imposée pour lutter contre l’épidémie, avec notamment les interdictions de se déplacer. Les chaines d’approvisionnement de composants industriels avaient été perturbées provoquant des pénuries et des hausses de prix. Le passage sans transition du « Zéro-Covid » à l’activité normale avait été interprété comme une défaite politique du pouvoir et un recul face à un mécontentement qui se généralisait dans le pays. Il avait aussi été l’objet de beaucoup de scepticisme sur ses conséquences économiques.

Finalement, et au moins en ce début d’année, ces prévisions pessimistes ont été infirmées. Les objectifs de croissance du gouvernement chinois pour 2023, entre 5 et 6%, pourraient être atteints. D’ailleurs l’agence de notation Moody’s a remonté sa prévision à 5% contre 4% jusqu’à présent ; on pourra certes dire que ces taux sont encore loin de retrouver les niveaux des décennies passées lorsqu’ils atteignaient 8% et souvent plus. Mais ces comparaisons entre différentes périodes n’ont pas beaucoup de sens car, entretemps, la taille de l’économie chinoise s’est considérablement accrue et en valeur absolue une augmentation du PIB de 5% aujourd’hui correspond à une création de richesse bien supérieure à celle générée par une croissance de 8% il y a dix ans.

La Chine est la seule, à la différence des économies des membres du G7, a ne pas avoir connu de récession durant la crise sanitaire. Et les croissances de 2,2% en 2020, de 7,5% en 2021 et de 3% en 2022 situent le pays bien au-delà de la moyenne puisque dans tous autres pays la chute de la production en 2020 avait dépassé largement 5%. Le pays est aussi moins atteint par la vague inflationniste puisque les prix n’augmentent en rythme annuel qu’entre 2 et 3%. Enfin le commerce extérieur continue d’accumuler des excédents considérables. Ils ont atteint 877 milliards de dollars en 2022 après 676 milliards en 2021 grâce à la poursuite de la croissance des exportations (+7%) alors que les importations ont stagné l’année dernière (+1,1%).

Le secteur immobilier touché depuis deux ans par une grave crise semble se remettre dans la bonne direction puisque l’on a assisté au mois de février à une très forte augmentation des transactions. Le secteur reste très fragile mais l’Etat, en cas de besoin serait en mesure d’intervenir s’il fallait procéder au sauvetage de groupes immobiliers ou des institutions financières qui leur ont accordé des crédits car l’endettement élevé du pays est couvert par l’épargne nationale. Il n’aurait pas besoin d’avoir recours à des financements extérieurs grâce à l’accumulation des surplus de sa balance des paiements.

Le secteur automobile a traversé cette période difficile mieux que dans les pays développés et notamment qu’en Europe. On a enregistré plus de 27 millions d’immatriculations en 2022, soit près de trois fois plus qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis et des exportations de 3 millions de véhicules. Les difficultés observées sur les chaines d’approvisionnement de composants ont bien moins pénalisé les constructeurs chinois que leurs concurrents. Sur ces 27 millions, 7 millions soit près de 26% sont équipés des nouvelles motorisations, électriques ou hybrides.

Dans ce type d’activité industrielle, la taille est un facteur décisif de compétitivité. On mesure ainsi le handicap auquel va être confronté sur ce marché l’industrie européenne, dix fois plus petite, si d’ici 2035, seront interdits à la vente les véhicules à moteur thermique. On voit l’avantage stratégique procuré aux constructeurs chinois par les volumes considérables de matières premières dont ils disposent pour produire leurs batteries. Même si des ressources de terres rares ou de métaux spéciaux existent ailleurs dans le monde, il faudra beaucoup de temps pour mettre en exploitation leurs gisements, à supposer que les défenseurs de l’environnement sur place n’engagent pas des procédures interminables pour l’empêcher.

Le Chine poursuit à son rythme sa politique de décarbonation de son électricité. Le nucléaire a produit 392 TWh en 2022 et deux nouvelles centrales devraient entrer en fonctionnement en 2023, permettant de réduire de près de 300 millions de tonnes les émissions de CO2, soit un volume proche de la totalité des émissions de la France chaque année.

Le monde a changé et les règles de la mondialisation aussi, mais la Chine sera toujours là. Il est donc illusoire de penser que les relations avec ce pays ne vont plus revêtir la même importance. Au contraire, de nouvelles formes de partenariat doivent être imaginées et proposées. Mais pour avoir une chance d’aboutir et pour que les relations avec Pékin de l’Union Européenne et surtout de la France, connaissent un nouveau départ mutuellement profitable, il faut avoir pris conscience de la réalité de la société chinoise fondée sur son histoire et sur la civilisation dont le pays s’estime dépositaire. Dans ce domaine, l’Allemagne a pris de l’avance et se garde bien de mettre les dirigeants chinois en accusation.

Les critiques publiques du régime, le plus souvent à des fins de politique intérieure, sont donc incompatibles avec l’établissement de relations mutuellement profitables. Les voyages officiels doivent en être préservés et peuvent même être l’occasion d’actes de reconnaissance des fautes passées, même si elles remontent loin dans le temps. La France ne peut pas en permanence évoquer les méfaits de la colonisation et oublier que ses troupes ont envahi la Chine et ont participé avec l’armée anglaise à la destruction du Palais d’Eté, situé à côté de Pékin. C’est un peu comme si, durant l’Occupation, les allemands avaient démoli le château de Versailles.

Le temps est aussi venu de saluer les transformations qu’ont permis les réformes instituées par Deng Xiao Ping et pourquoi pas, lui rendre hommage en se déplaçant à Shenzhen, capitale emblématique de la nouvelle économie chinoise, où une statue le représente « en marche » au milieu d’un jardin public. A quelques kilomètres de là, se trouve la centrale nucléaire de Taishan où EDF et son partenaires chinois ont construit deux EPR qui sont entrés en fonctionnement il y a un an soit bien avant Flamanville et qui constituent un bon exemple d’une coopération réussie. Cette manifestation d’intérêt tomberait au bon moment puisque la France a enfin décidé de relancer la construction de centrales, abandonnant l’idée absurde de réduire à 50% la part de sa production dans le mix électrique.

L’économie chinoise est donc repartie mais dans un environnement différent, marqué par les tensions géopolitiques et les rivalités économiques et par les mutations technologiques nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique. Rien ne permet de penser que ce nouvel environnement lui sera défavorable car le pays dispose des ressources naturelles, d’un vaste marché intérieur et des compétences humaines pour relever tous ces défis, même s’il aura à gérer le changement démographique auquel il est confronté.

Une page vient de se tourner en Chine et plus généralement en Asie du Sud-Est dans les pays dont l’économie lui est étroitement liée. Cela va contribuer à soutenir la croissance mondiale. L’établissement de nouvelles relations avec l’ensemble de ces pays va devenir une condition nécessaire pour ne pas rester à la traine de la reprise qui s’annonce. A la France de réussir à en profiter puisque les consommateurs chinois apprécient ses produits.

  

           

Commentaires

Pas de commentaires.

Vous devez vous inscrire pour poster un commentaire : se connecter