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Le blog d'Alain Boublil

 

Economie française : les chiffres et la réalité

L’économie française a évité le pire en 2022, grâce aux mesures budgétaire qui ont permis de soutenir les entreprises durant l’épidémie du Covid-19 et les ménages face à la montée brutale des prix de l’énergie à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle a également profité de la prudence de la Banque Centrale Européenne qui n’a jusqu’à présent relevé ses taux que de façon très modérée et a évité que les pays endettés soient confrontés à une crise financière comme ce fut le cas en 2012. Les chiffres de la croissance en 2022 ont donc été accueillis avec satisfaction mais celle-ci doit être tempérée.

L’INSEE a donné une première estimation de 2,6%, légèrement supérieure à celle des principales économies occidentales. L’Allemagne croîtra de 1,8% et le Royaume-Uni est entré en récession au deuxième semestre, qui pourrait se prolonger en 2023 en raison des incertitudes politiques et des conséquences du Brexit. L’économie américaine aura été légèrement moins dynamique (2,1%) malgré à une augmentation de sa production et de ses exportations d’énergies fossiles, conséquence directe des sanctions adoptées contre Moscou.

Mais le chiffre de l’INSEE ne doit pas faire illusion car, s’agissant d’une moyenne d’une année sur l’autre, il a bénéficié du rebond de 2021 (6,8%) concentré sur le deuxième semestre grâce à la levée progressive des restrictions sanitaires. L’acquis de croissance au début de l’année 2022 était déjà de 2,6%. Au cours de l’année, l’augmentation de l’activité a donc été très faible et la France a ainsi connu une quasi-stagnation au troisième (+0,2%) et au quatrième (+0,1%) trimestres, notamment en raison d’une lourde contribution négative du commerce extérieur. Rien ne permet d’être sûr qu’une reprise substantielle interviendra en 2023. La prévision figurant dans la loi de finances (+1,1%) est prudente mais même si elle se réalise malgré les risques de récession maintes fois évoqués, elle sera insuffisante pour faire reculer le chômage de façon significative.

Le taux de chômage a baissé à nouveau pour atteint 7,3% à la fin de l’année. Mais ce niveau reste très supérieur à celui de nos voisins d’Europe du Nord et des Etats-Unis, tous compris entre 3 et 5%. Le nombre de demandeurs d’emplois sans activité (catégorie A) est aussi en baisse (-9,4% sur un an en France métropolitaine) avec 2,8 millions de personnes. Mais c(FOB-FOB) ette baisse est en partie compensée par la hausse du nombre de personnes exerçant une activité réduite et qui souhaitent retrouver un emploi à temps plein (+4%).

Grâce aux mesures adoptées pour contenir la hausse des énergies fossiles, l’inflation a pu être limitée à 6,2% en 2022, chiffre bien inférieur à celui des autres pays de la zone euro. Mais ces mesures, en raison de leur coût ne pourront durer éternellement et les tensions sur les chaînes d’approvisionnement vont persister. Quant aux projets de relocalisation des bases industrielles, ils mettront beaucoup de temps à se concrétiser. Le maintien d’une inflation élevée par rapport aux chiffres de ces deux dernières décennies est donc très probable et le retour à un niveau inférieur à 4% est peu envisageable en 2023.

Cette situation affecte le pouvoir d’achat des ménages car les hausses des salaires et des retraites ne suivront probablement pas. Mais elle profite aux finances publiques. Pour l’exercice 2022, le gouvernement a annoncé des recettes supplémentaires d’environ 20 milliards ramenant le déficit de l’Etat à 151,5 milliards. Le mouvement va s’accentuer en 2023 avec les recettes de TVA, de l’impôt sur les sociétés et des ménages en forte hausse. Mais ces hausses auraient été bien supérieures si l’on avait conservé un taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés de 33% et surtout si n’avait pas été adopté en 2015 le prélèvement forfaitaire de 30% sur les revenus financiers qui profite surtout aux contribuables dont le taux marginal d’imposition est supérieur.  

A cela on pourrait ajouter les allègements de charges massifs introduits avec le CICE en 2013 au nom du rétablissement de la compétitivité des entreprises. Le lourd déficit et l’endettement de la France ne sont pas uniquement la conséquence de dépenses publiques et de prestations sociales trop élevées. Il résulte aussi des réductions d’impôts et de charges accordées aux entreprises et aux contribuables les plus aisés. Le mécontentement croissant de la population qui s’exprime à l’occasion de la réforme des retraites n’est donc pas surprenant.

Est-ce que ces mesures ont produit le résultat escompté avec un rétablissement de la compétitivité et une amorce de réindustrialisation ? Non. A la fin de l’année 2022, la production de l’industrie manufacturière n’était supérieure selon l’INSEE que de 1,8% au niveau atteint en 2015. Seuls quelques secteurs dans les biens d’équipement électronique, les machines et la pharmacie ont significativement progressé depuis 7 ans. La traduction de cet échec se trouve dans les résultats désastreux du commerce extérieur.

En 2013, le déficit (FOB-FOB) tous biens confondus était de 62 milliards. En 2020, à la veille de la crise énergétique et malgré une chute de la consommation des ménages et de l’investissement, il était de 64 milliards. En 2022, il dépassera 160 milliards, l’explosion de la facture énergétique n’expliquant qu’une partie de cette dégradation. En 2013, elle représentait 66 milliards. Grâce à la chute des cours, en 2020, elle n’atteignait plus que 29 milliards. Elle s’élèvera à plus de 100 milliards en 2022. Le déficit des échanges de produits manufacturés (CAF-FOB) hors matériel militaire est ainsi passé de 36 milliards en 2013 à 68 milliards en 2020 et s’est maintenu à un niveau voisin en 2022.  

La politique visant à rétablir la compétitivité des entreprises au prix de dizaines de milliards d’euros chaque année d’allègements d’impôts et de charges a donc été un échec car elle reposait sur une profonde erreur d’analyse. Ce qui affecte la compétitivité en France, c’est moins le coût du travail que la bureaucratisation croissante de la société. Elle s’est traduite dans les services publics par une hausse des dépenses et une baisse de la qualité. C’est particulièrement frappant dans l’hôpital. Les organismes publics notamment au niveau local, avec les nombreuses structures de coopération entre les communes, se sont multipliés. Ce mouvement s’est accompagné d’une inflation sans précédent de textes réglementaires. Leur volume, recensé par l’organisme Légifrance a doublé en 20 ans pour atteindre 44 millions de « mots juridiques ».

Les entreprises ont dû s’adapter à un cadre légal évoluant en permanence et à des normes de plus en plus complexes. Cela renchérissait leurs investissements et allongeait la durée de leur réalisation. Ils devaient en plus recruter des collaborateurs pour veiller à la conformité de leur activité. Les transferts massifs dont elles ont bénéficié, ont donc surtout été employés à couvrir ces dépenses non productives et ces coûts, ce qui a affecté leur compétitivité, contrairement à l’objectif recherché.

La France est confrontée à une crise sociale après la décision du gouvernement de modifier le système des retraites au nom du respect des équilibres financiers à long terme et de la nécessité de réformer le pays. Mais il commet une erreur. La vraie réforme, ce sera celle qui consistera à débureaucratiser la France, à réduire le nombre et la taille des institutions publiques et à cesser de produire des textes rendant la vie des entreprises comme des ménages plus compliquée. Pour cela, il faudra une réelle volonté. Car, comme l’a dit Lao-Tseu il y a bien longtemps, « Là où est la volonté, là est la voie ».       

              

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