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Le blog d'Alain Boublil

 

La France et le réchauffement climatique

Les évènements actuels qui frappent la France, les incendies massifs en Gironde et les températures extrêmes observées dans l’ouest du pays, ravivent inévitablement les inquiétudes à propos de l’évolution du climat résultant des émissions de gaz à effet de serre. Mais si ce rapprochement peut être utile pour mobiliser les agents économiques et les familles et pour faire adopter les mesures appropriées, il ne doit pas faire illusion. De tout temps et dans tous les pays, les habitants ont eu à affronter des catastrophes naturelles. Dans les Landes, non loin des zones touchées, on parla longtemps de la « saison des feux de forêts » jusqu’à ce qu’une meilleure gestion des plantations les fassent pratiquement disparaître. On a de même longtemps évoqué les canicules de 1947 et de 1949 mais à l’époque, comme l’écrivit Michel Butor en analysant l’œuvre de Jules Verne, on craignait surtout un refroidissement qui transformerait la Terre, à l’instar de la Lune, en planète morte.

Dans le monde, les catastrophes ont constitué une réalité permanente, bien avant que l’on s’inquiète du dérèglement climatique. Un raz de marée noya le sud de la Thaïlande en 1999, l’ouragan Katrina, dans le sud des Etats-Unis ravagea des territoires entiers faisant des milliers de victime en 2005, comme le Tsunami à Fukushima en 2011 qui inonda en outre une centrale nucléaire que son exploitant avait insuffisamment protégée. Le voisinage subit des radiations qui contraignirent les autorités à imposer un isolement total. Mais ces radiations ne furent pas la cause des milliers de décès des personnes qui avaient été noyées.

Il reste que l’activité humaine, en accumulant dans l’atmosphère des gaz à effet de serre, a provoqué une menace nouvelle contre laquelle il convient de mener les politiques appropriées mais il est essentiel de prendre en compte deux réalités indiscutables. Ce qui a provoqué le réchauffement climatique, c’est l’accumulation au fil du temps des émissions de gaz à effet de serre. Il convient donc, lorsque l’on évoque les responsabilités des pays, de les évaluer à partir de la totalité des émissions passées et pas seulement des niveaux d’une année. Les pays émergents, la Chine et l’Inde en particulier, ont connu une croissance très forte de leurs émissions mais leur contribution au stock de CO2 dans l’atmosphère reste inférieure à celles des pays développés, les Etats-Unis en premier lieu et l’Union Européenne.

La seconde réalité, c’est que les effets néfastes des émissions ont un caractère global et non local. Si la France réduit ses émissions, elle n’en tirera aucun avantage pour elle-même si les autres pays n’en font pas autant et c’est tout le sens et l’importance des accords qui ont été passés à la suite des conférences sur le climat. Sa part dans les émissions totales est très faible, moins de 1%, à la fois parce que sa population est inférieure à 1% de la population du globe et parce que son modèle économique, grâce au nucléaire est fort peu émetteur. A titre de comparaison, par habitant, la France émet près de deux fois moins de CO2 que l’Allemagne.

Le groupe pétrolier BP publie depuis 70 ans des statistiques sur la production et la consommation d’énergie. Ces dernières années, il a enrichi ce travail en y incluant les émissions de CO2. On peut en tirer trois enseignements. La crise économique qui a suivi l’épidémie a provoqué une chute des émissions en 2020 mais celles-ci ont rebondit en 2021. Il n’y a donc toujours pas eu de changement de tendance. Le second enseignement, c’est que le moyen de loin le plus efficace pour réduire les émissions est la sortie du charbon au bénéfice du gaz naturel pour produire l’électricité. Les chiffres américains sont éloquents. En dix ans, les émissions ont baissé de 12%. Pour produire de l’électricité, en cinq ans, l’utilisation du gaz naturel s’est accrue de 14% alors que le charbon chutait de 27,5%. Les émissions des pays émergents ont, elles augmenté avec la Chine +19,6%, l’Inde 47,5% et l’Indonésie 21,5%. La réalisation des objectifs annoncés dans les COP successives seront donc très difficiles à atteindre.

Une chose est sure, c’est que ce n’est pas l’action de la France, même en étant efficace, qui va infléchir ces tendances inquiétantes. A l’avenir, fonder l’action publique uniquement sur des objectifs environnementaux sera de moins en moins crédible. Il importe donc de justifier l’indispensable transition énergétique aussi par des considérations économiques. L’impact sur la planète sera faible mais il sera néanmoins positif.

La crise générée par l’invasion de l’Ukraine a montré que les énergies intermittentes ne pouvaient constituer une panacée. L’Europe l’a enfin admis en classant le nucléaire et le gaz naturel parmi les sources de production d’électricité pouvant bénéficier des financements communautaires. La relance du nucléaire en France, après 10 ans d’atermoiements est essentielle mais pas suffisante. La réduction de la consommation d’énergie sous toutes ses formes permettra seule de réduire notre dépendance extérieure sans freiner la croissance. Il importe donc de dissocier croissance économique et consommation d’énergie. Cela suppose trois types d’action.

Il y a d’abord un immense effort de pédagogie à accomplir. Plutôt que de faire peur et annoncer la fin du monde, il est essentiel de convaincre chacun qu’il est dans son propre intérêt de faire évoluer ses comportements. Les entreprises comme les particuliers doivent veiller au respect des réglementations relatives à l’éclairage, au chauffage et à l’air conditionné. Cela ne nécessite aucun investissement lourd et les effets seront immédiats.

A l’Etat ensuite il revient de lancer des programmes de Grands Travaux et d’incitations. Le premier concerne le nucléaire. Il y a urgence. La consommation d’électricité progressera dans l’avenir du fait de la réduction de l’utilisation des énergies fossiles. C’est la seule source disponible, permanente et décarbonée. Il faut recruter et former les ingénieurs et les techniciens et adopter une ligne claire à propos des réacteurs. Seules les versions modernisées de l’actuel EPR peuvent constituer une réponse crédible, les modèles à faible puissance n’existent pas et faire reposer sur eux l’avenir méconnait une réalité incontournable, la rareté des sites de production disponibles.

Le second programme concerne la révolution logistique et le transport des marchandises.  Alors que la France, du fait de sa position géographique au cœur de l’Europe est un pays de transit, la part du transport ferroviaire dépasse à peine 10%, soit un des niveaux les plus faibles du continent. Le programme d’investissement de la SNCF pour les années à venir doit mettre la priorité sur le retour des marchandises sur ses lignes. Cela passe par la réalisation du contournement de Lyon et une meilleure gestion des aiguillages du réseau pour en accroître la capacité et laisser ainsi la place au frêt.

Enfin, plutôt que de subventionner des achats de Tesla provenant des Etats-Unis ou de Chine, il faut mettre la priorité sur l’électrification les flottes de véhicules publics et professionnels et offrir des moyens de financement appropriés aux entreprises. On réduira aussi les émissions de particules générées par la combustion du diesel qui sont nocives pour les poumons et qui constituent la principale source de pollution dans les villes.

La responsabilité de la France dans le réchauffement climatique est inversement proportionnelle à la place qu’elle occupe dans le débat politique. Il faut donc en profiter pour adopter des mesures qui, tout en assurant la réduction des émissions, renforce l’indépendance énergétique du pays ce qui contribuera à la réduction du déficit extérieur, à l’emploi et au pouvoir d’achat.

   

                                

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