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Le blog d'Alain Boublil

 

Joe Biden : un nouveau François Mitterrand ?

La commémoration du 40ème anniversaire de l’élection de François Mitterrand a donné lieu à de nombreuses manifestations et documentaires télévisés rappelant son action dans des  domaines essentiels comme la construction européenne, les libertés, la culture ou l’économie. C’est sur ce dernier point que les controverses ont été les plus vives avec l’évocation de la politique de relance engagée au mois de juin 1981 qui fut suivie par le  « tournant de la rigueur » en mars 1983. Ce débat intervient au moment précis où le nouveau président des Etats-Unis, en rupture radicale avec la politique de son prédécesseur, a lancé un plan de relance ressemblant par de nombreux aspects à celui de 1981 et allant même parfois au-delà : augmentation du déficit budgétaire, programme d’investissement dans les infrastructures, soutien direct à la consommation des ménages et mesures en faveur de  l’éducation et de la protection contre le chômage.

Que s’est-il passé en 1981 ? La mise en application du programme que le candidat avait proposé aux Français et qu’ils avaient élu pour cela. L’augmentation du SMIC et des prestations sociales ainsi que la réduction du temps de travail (39 heures et, ce qu’on  mentionne rarement, l’adoption de la cinquième équipe pour le travail à la chaîne) et l’abaissement de l’âge du départ en retraite à 60 ans. S’agissait-il d’une « rupture avec le système capitaliste » ? D’une certaine façon oui puisque ce système, dont la définition laisse la place à de larges interprétations, n’avait pas de lui-même adopté ces dispositions. Ce programme n’avait pas l’assentiment de deux hommes, Michel Rocard et Jacques Delors, qui, alors qu’ils étaient, au sein du gouvernement, chargés de le mettre en place, ne cessaient de le critiquer. Cela donnera naissance au fameux « tournant de la rigueur ».

L’examen des chiffres montre aujourd’hui que ces critiques n’étaient pas fondées. En particulier, l’augmentation du déficit commercial, invoqué pour justifier les décisions de 1983, n’était nullement causée par la hausse de la consommation intérieure. Elle provenait uniquement des effets sur la facture énergétique de la hausse vertigineuse du dollar. A la fin de l’année 1979, le nouveau président de la Réserve Fédérale, Paul Volcker, pour lutter contre l’inflation avait déclenché un fort relèvement des taux d’intérêt, qui s’était répercuté sur le cours de la devise américaine et avait plongé les Etats-Unis dans la récession.

Le plan de relance de Joe Biden ressemble fort à celui de François Mitterrand. Des dépenses de 2000 milliards sur huit ans vont être engagées pour moderniser les infrastructures du pays. En 1982, le gouvernement Mauroy avait créé le Fonds Spécial des Grands Travaux qui ne se limitait pas aux projets architecturaux du chef de l’Etat. La relance de la construction des lignes ferroviaires à grande vitesse qui avait été interrompue par le gouvernement Barre, des centaines de kilomètres d’autoroutes et la modernisation des transports en commun avaient alors été lancés avec des financements accrus pour les logements sociaux.

Le plan Biden prévoit aussi un soutien de la consommation, 1800 milliards sur 10 ans. Son application, avec notamment son chèque de 600 dollars envoyé aux ménages au premier trimestre, qui sera suivi d’un second chèque de 1400 dollars dans les mois à venir a permis de faire redémarrer l’économie américaine de façon bien plus soutenue que ce que nous observons en Europe. La croissance des deux derniers trimestres semble solide : 1,1% puis 1,6% en rythme trimestriel. En France, les chiffres des mêmes périodes ont été respectivement une baisse de 1,3% et une légère reprise de 0,4%.  En 2020, la récession aux Etats-Unis avait été nettement moins marquée (-3,5%) qu’en Europe. Les prévisions pour 2021 situent la croissance entre 6 et 7%. En France on espère atteindre 5% mais cela semble à beaucoup trop optimiste. On regarde donc avec envie les choix économiques du Président américain.

Son Plan est financé par une très forte augmentation du déficit budgétaire qui devrait atteindre 14% du PIB en 2021, soit plus de 3400 milliards de dollars. Sur les sept premiers mois de l’exercice budgétaire qui se termine aux Etats-Unis à la fin du mois de septembre, le déficit va conduire la dette fédérale au dessus du plafond autorisé. Le Congrès va devoir se prononcer sur son relèvement ce qui provoquera une sévère confrontation entre Républicains et Démocrates. Cette politique s’accompagne de projets fiscaux qui vont dans le sens d’une redistribution de la richesse, avec une hausse du taux de l’impôt sur les sociétés et des droits de succession ou de donation. Joe Biden ne va pas jusqu’à créer un Impôt sur les Grandes Fortune comme en 1981 en France, mais sa philosophie n’en est pas très éloignée.  

Le déficit budgétaire n’a eu aucun mal à être financé et n’a pas provoqué de hausse des taux d’intérêt, la Réserve Fédérale intervenant pour maintenir ceux-ci à un niveau proche de zéro et sur le moyen terme inférieurs à 2%. En revanche, à la différence de ce qui s’était passé en France il y a quarante ans, le déficit commercial américain se creuse sous l’effet de la relance et pourrait atteindre 1000 milliards de dollars en 2021, soit 100 milliards de plus que l’an passé.  

C’est dans ce contexte que vient de resurgir la crainte d’une reprise de l’inflation. La récession de 2020 avait été provoquée par l’épidémie de la Covid-19 et non par l’adoption d’une politique restrictive comme en 1980. Les comparaisons statistiques d’une année sur l’autre sont donc difficiles à interpréter, notamment en ce qui concerne les évolutions de prix. Mais quelles qu’en soient les causes, il s’agit d’un phénomène nouveau qui pourrait être de nature à inquiéter les marchés financiers et à inciter la Réserve Fédérale, dont c’est la mission, à intervenir pour freiner l’activité en adoptant une politique moins accommodante.

Les hausses de prix observées résultent de facteurs qui n’ont pourtant rien d’économiques. L’épidémie avait provoqué la chute brutale des secteurs touchés par les mesures restrictives prises pour l’enrayer. Les prix de ces biens et de ces services s’étaient alors effondrés, comme dans le transport ou les prestations hôtelières. Le retour à la normale entraine le retour à des prix normaux. A cela se sont ajoutés des phénomènes de circonstances, le blocage du canal de Suez, le piratage d’un oléoduc ou encore la rupture de la chaîne d’approvisionnement en semi-conducteurs qui ont tous eu, à un moment donné, un impact sur des approvisionnements. Ceux-ci étant devenus plus rares, leurs prix ont monté. 

Bien que cette hausse soit à la fois temporaire et artificielle, on ne peut exclure qu’elle soit attribuée, par les opposants à Joe Biden, à sa politique, un peu comme, en 1983, ceux qui  avaient soutenus que la politique suivie depuis 1981 avait été un échec. Mais il est peu probable que cette contestation soit suffisante pour convaincre la Réserve Fédérale de procéder à un changement de cap de 180° et lui faire adopter une politique restrictive qui aurait de lourdes conséquences sur les marchés financiers.

Le succès de la politique de Joe Biden est possible, une fois que les perturbations causées par la sortie de la pandémie seront surmontées et on parlera alors peut-être de lui comme un nouveau Roosevelt, qui avait, lui permis à son pays de sortir de la crise de 1929. La gauche, en France, pourrait s’en inspirer. Encore faudrait-il, pour qu’un socialiste retrouve le chemin de l’Elysée, qu’il ne faille en passer avant par l’élection d’un Trump français. 

 

    

   

 

   

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