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Le blog d'Alain Boublil

 

Pacte républicain : Les Etats-Unis donnent l’exemple

Au moment où, en France, des dirigeants suggèrent que des partis politiques qui d’ordinaire s’affrontent, se réunissent pour faire émerger des solutions aux maux dont souffre le pays, à commencer par le chômage, à Washington, les démocrates et les républicains, avec l’accord du président Obama, viennent, de donner une démonstration éclatante du bien-fondé de cette méthode.

Les institutions américaines sont différentes des nôtres. Le Congrès ne peut être dissous et quand la majorité qui y siège est d’un bord différent de celui du Président, il y a « cohabitation ». Ce dernier, en cas de désaccord, peut seulement opposer son véto et pour passer outre, il faut une majorité qualifiée. D’où la nécessité parfois, pour les deux partis qui dominent la vie politique américaine et qui s’affrontent quotidiennement, de travailler ensemble, pour trouver des compromis satisfaisants. C’est ce qui vient de se passer. Et on se prend à rêver : supposons que des groupes de travail, regroupant la gauche et la droite,  formulent des propositions sur la simplification du mille-feuille territorial, sur la politique de l’énergie ou du logement, et que le Parlement les adoptent. Les Français reconsidéreraient peut-être leur jugement sur les « élites politiques » qui les gouvernent.

Dans la loi de fin d’année votée par le Congrès américain, que l’on qualifierait ici de texte « fourre-tout », trois sujets majeurs ont été réglés par consensus, mais au terme d’âpres discussions. Il y a eu d’abord le relèvement du plafond d’endettement de l’Etat. C’est le Congrès qui fixe ce plafond. En cas de cohabitation et de déficit budgétaire persistant et élevé, comme ces dernières années, cela donnait lieu à d’interminables bras de fer allant même parfois jusqu’à retarder le paiement des fonctionnaires ou interrompre le fonctionnement des services publics. Cela n’affolait pas outre mesure les marchés financiers, même si la menace d’un défaut de paiement des Etats-Unis n’était pas théorique. La question vient d’être réglée, moyennant des concessions de part et d’autre, notamment en matière fiscale, jusqu’en septembre 2016.

La deuxième avancée, c’est la ratification de la réforme du FMI, adoptée en 2010 et dont les Etats-Unis, du fait de l’hostilité des Républicains, bloquaient l’entrée en vigueur depuis cinq ans mais était jugée nécessaire par la Maison Blanche dans le cadre de l’amélioration de ses relations avec Pékin. Il s’agit d’accroître la participation des pays émergents, au premier rang desquels figure la Chine, dans un sens plus conforme à leur poids économique. C’est une décision de bon sens. Elle survient quelques semaines après la reconnaissance officielle du statut de monnaie de réserve de la devise chinoise, le Yuan appelé aussi le Renminbi, la monnaie du peuple, et son inclusion à hauteur de 10,92% dans le panier des réserves du FMI, devant le Yen et la Livre sterling. La ratification de la réforme des statuts du FMI constitue aussi un encouragement pour la Chine à poursuivre les réformes nécessaires à l’internationalisation de sa monnaie et à normaliser ses interventions sur son cours, ce qui est souhaité par Washington. 

La longue marche du Yuan avait commencé en 2010 avec la conclusion des premiers accords de « swap » avec quelques pays partenaires. Puis les entreprises obtiendront le droit de commercer directement en yuan avec leurs clients et fournisseurs. Nulles en 2011, les transactions dans la monnaie chinoise ont représenté près de 3% de l’ensemble des transactions commerciales mondiales cette année. Parallèlement, le Yuan faisait son apparition sur les marchés financiers avec le droit d’émettre à l’étranger des obligations dans la devise chinoise, les « dim sum bonds », puis en Chine elle-même, avec les « panda bonds ». Le succès de la dernière émission à Pékin au profit de la Corée du sud sursouscrite cinq fois a certes une signification politique, comme le choix de Moscou, en réponse aux sanctions, d’émettre aussi des titres en Yuan, mais il témoigne aussi de l’importance naissante de la devise chinoise, conforme à la volonté du gouvernement de faire jouer à sa monnaie pour son économie, le même rôle que joue le dollar pour l’économie américaine, à la fois monnaie de réserve et devise pour ses transactions commerciales.

La troisième avancée adoptée par le Congrès est la levée, défendue par les Républicains, de l’interdiction d’exporter le pétrole brut américain, en vigueur depuis la crise pétrolière de 1973, en échange de la prorogation, au-delà de 2016, réclamée par les Démocrates, des avantages fiscaux dont bénéficient les énergies renouvelables. Jusqu’à présent, l’exploitation, grâce à de nouvelles technologies, des gisements du « Cowboyistan » était freinée car l’appareil de raffinage était saturé come les installations de stockage et il était interdit de l’exporter ailleurs qu’au Canada, lui aussi saturé et au Mexique. Contrairement à ce qu’on a pu lire, ce n’était donc pas la baisse des cours intervenue à la suite de la décision de l’OPEP l’an dernier, qui en était à l’origine. La production de ce pétrole de haute qualité va donc encore s’accroître et l’écart de prix entre les cours affichés au Texas (WTI) et le Brent européen va encore se réduire.

Cette décision aura des conséquences majeures sur les marchés internationaux car elle écarte toute remontée des cours à brève échéance. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les pays qui ont des coûts de production très élevés, comme le Brésil et qui espéraient devenir exportateurs,  et encore moins pour les exportateurs traditionnels, comme les pays du Golfe ou la Russie, qui vont perdre des revenus substantiels. C’est au contraire très positif  pour les  grands pays importateurs comme, outre les Etats-Unis, la Chine ou la France, qui vont ainsi réduire leurs factures énergétiques. En revanche, la nouvelle et forte baisse des cours, qui anticipait la décision du Congrès, que l’on a observé depuis un mois avec un prix du baril en dessous de 40 dollars, ne va pas inciter les agents économiques à réduire leur consommation.

L’« Accord » de Paris, annoncé au terme de la COP 21, ne contenait certes pas d’objectifs chiffrés et relevait plutôt de la déclaration d’intention. Mais pour passer des intentions aux réalisations, il faut mettre en place des dispositifs, incitatifs ou réglementaires d’autant plus crédibles que les changements de comportement seront plus difficiles à obtenir en raison de la baisse marquée et durable des prix des énergies fossiles. Ce n’est malheureusement pas le cas en Europe avec les réticences de Bruxelles à relancer le marché des « crédits carbone » en réduisant les allocations, et aux Etats-Unis, avec l’hostilité de nombreux Etats à durcir leur réglementation sur les centrales à charbon, sans parler de la reprise spectaculaire des ventes de véhicules puissants, donc fortement émetteurs de CO2.

Mais la principale leçon de l’adoption de ce projet de loi, est la démonstration suivant laquelle, deux partis politiques, rivaux dans la conquête et l’exercice du pouvoir, peuvent néanmoins se mettre autour de la table pour trouver des solutions quand les intérêts supérieurs de leur pays sont en jeu. Il était absurde d’attendre jusqu’au dernier moment pour permettre à l’Etat de lever les ressources nécessaires à son fonctionnement, comme il contraire aux intérêts des Etats-Unis de maintenir un désaccord avec la Chine à propos du FMI ou de renoncer à exporter, donc à produire une de leurs richesses naturelles.

Même si les contextes politiques et institutionnels sont différents, c’est cette leçon qu’en France nous devrions retenir car il existe chez nous bien des sujets où des majorités d’idée, au-delà des clivages politiques traditionnels, permettraient d’avancer des solutions.

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