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Le blog d'Alain Boublil

 

Emmanuel Macron et la politique de l'offre

Emmanuel Macron et la politique de l’offre

Le débat politique, en France, pour les questions économiques, pourrait se résumer ainsi : la droite et le centre, estiment que pour améliorer la situation du pays, il convient de pratiquer une politique de l’offre. Les transferts financiers et les réformes donnerontt plus de marges de manoeuvres aux entreprises qui créeront des emplois et soutiendront la croissance. C’est ce qu’a exprimé hier soir Emmanuel Macron quand il parlait des mesures présentes et à venir et notamment de sa réforme de l’ISF visant à orienter l’épargne vers l’investissement dans les entreprises. A l’inverse, la gauche, sous toutes ses composantes, estime que c’est par le pouvoir d’achat et en stimulant, par des investissements publics, l’activité que la croissance redémarrera et que le chômage diminuera. Ainsi, le président de la République n’a pas changé d’avis depuis l’époque où, comme conseiller de François Hollande, il avait préconisé cette politique. Il se situe donc toujours dans le camp de l’offre.

Ce débat traverse aussi le monde des économistes qui s’opposent, depuis des décennies sur ce même sujet. Les Keynésiens restent fidèles aux préceptes de leur maître qui aurait, suivant ce qu’il faut bien appeler une légende, recommandé à Roosevelt le New Deal qui allait permettre au pays de sortir de la crise après 1929. Quant aux libéraux, qui inspirèrent les politiques de Ronald Reagan et Margaret Thatcher durant les années 80 visant à restreindre le rôle de l’Etat dans la conduite de l‘économie et à donner le maximum de liberté aux entreprises, ils estimaient que le jeu, partout, de la concurrence libre et non faussée, apporterait le maximum d’avantages à tout le monde. Ces deux visions sont assez caricaturales. L’apport inestimable de Keynes ne se résume pas au concept de « plan de relance » mais à la démonstration irréfutable que le marché ne trouve pas toujours de lui-même l’équilibre et qu’il revient à l’Etat, en cas de déséquilibre de trouver les remèdes appropriés. Le concept de « politique économique » est ce qu’il y a de plus précieux dans l’héritage de la pensée keynésienne. En même temps, la vision libérale qui consistait à mieux encadrer l’intervention de l’Etat et à lutter contre les excès de la bureaucratie, à faire confiance à la concurrence pour lutter contre l’inflation et à ouvrir les frontières pour offrir plus de choix aux consommateurs, a fait ses preuves, notamment en France durant les années 80. On pourrait ajouter que cette opposition entre les deux visions est artificielle car il existe des moments où la politique de soutien de la demande est nécessaire pour stimuler l’activité lorsque celle-ci est déficiente et des moments où le soutien des entreprises pour investir est utile.

Mais le débat, surtout en France, a pris une telle intensité que de telles nuances ne sont plus –ou pas encore- d’actualité. L’économie française souffre depuis 2011, c’est-à-dire depuis lendemain du rebond mécanique qui avait suivi la Grande Récession de 2009, d’une stagnation sans précédent. Il faut remonter aux années Trente, pour retrouver une telle situation en temps de paix. La première conséquence a été une montée du chômage, elle aussi sans précédent. Même si la conjoncture semble s’améliorer depuis quelque mois, la question n’est pas résolue et l’opposition reste vive entre les partisans des deux camps qui, il est inutile de le nier, reconstituent le clivage, qui n’est pas si démodé qu’on l’entend souvent, entre la gauche et la droite. Que reproche-t-on à la politique de soutien de la demande, invoquée par tous ceux qui constatent que l’action centrée sur l’offre n’a pas donné les résultats attendus ?

Avant de répondre à cette question il faut rappeler que la stimulation de la demande n’est pas absente mais qu’elle a revêtu une nouvelle forme puisqu’elle a été transférée …aux banques centrales. En réduisant le niveau des taux d’intérêt et en encourageant les agents économiques à s’endetter pour investir, celles-ci jouent un rôle exactement inverse de celui qui leur avait été assigné dans le passé lorsque, pour lutter contre l’inflation en pesant sur la demande, elles avaient toute liberté pour relever leurs taux et donc dissuader les agents économiques d’emprunter et d’investir. Le « procès de la relance keynésienne » n’est pas nouveau mais il s’appuie souvent sur un mauvais exemple, la politique menée par la gauche en France en 1981. Il est démontré aujourd’hui que le creusement du déficit extérieur observé en 1982 et qui allait déclencher les réalignements monétaires au sein du SME et le plan de rigueur de 1983, n’était pas du à un dérapage de la consommation intérieure causé par l’augmentation du pouvoir d’achat mais aux conséquences sur la facture pétrolière de la France de la brutale appréciation du dollar résultant de la hausse des taux d’intérêt décidée par la Fed. Les défenseurs de la politique de l’offre expliquent que si on soutient la demande, cela se traduira par davantage d’importations qui ne généreront aucun emploi parce que nos entreprises ne sont pas « compétitives », ce qui justifie l’action en leur faveur pour leur permettre de retrouver cette compétitivité perdue.

Malheureusement, ce raisonnement a été contredit par les faits. Malgré la politique menée depuis 2012 en faveur de l’offre, aucun progrès, bien au contraire, n’a été observé, qu’il s’agisse de l’emploi avec une hausse massive du chômage ou du commerce extérieur où le déficit en produits manufacturés s’est creusé année après année pour atteindre 20 milliards d’euros sur les douze derniers mois. En 2011, l’impôt sur le revenu rapportait à l’Etat 51,4 milliards et l’impôt sur les sociétés 39,1 milliards. En 2017, selon les dernières estimations de Bercy le premier représentera 73,4 milliards et le second 29,1 milliards. Le  transfert  de la charge fiscale a été massif mais il est difficile de prétendre qu’il a produit les résultats escomptés. La vérité, c’est que ce n’est pas l’Etat qui détermine la stratégie des entreprises françaises, même quand il est un actionnaire important, comme chez Renault. Celles-ci se sont inscrites dans une logique de délocalisation, à l’inverse de leurs concurrentes allemandes. Le cas de l’automobile, qui est le secteur industriel qui a le plus pesé dans la dégradation de nos comptes extérieurs et de l’emploi, est exemplaire. L’Allemagne a choisi de maintenir les chaînes sur son territoire en utilisant au maximum des robots, ce qui a conforté son avance dans l’industrie mécanique, alors que la France fermait ses usines pour s’approvisionner à l’extérieur. La comparaison du nombre de robots opérationnels en 2015 pour 10 000 salariés dans l’industrie selon les pays est révélatrice : il y en avait 300 au Japon et en Allemagne, 175 en Italie et 125 en France. La politique de l’offre n’a pas incité nos entreprises à se moderniser et à conserver sur le territoire la valeur ajoutée.

On pourrait ajouter au procès fait aux consommateurs que ce ne sont pas les salariés payés au SMIC qui s’offrent des Audi ou des Mercédès, même si tout le monde devrait être plus responsable quand il s’agit de dépenser. Le président de la République a choisi la prudence quand il lui a été demandé quand les résultats de ses réformes se feraient sentir : « dans 18 mois ou deux ans » a-t-il répondu. Cela lui laisse le temps d’infléchir sa politique dans un sens plus favorable au pouvoir d’achat car, comme l’expliqua un jour un grand patron français, François Michelin, « la personne la plus importante pour l’avenir d’une entreprise, c’est son client ».     

          

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