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Le blog d'Alain Boublil

 

Dette publique : le feuilleton continue

Tous les ans à l’automne resurgit le débat sur l’endettement public, son niveau excessif et les menaces qu’il fait peser sur le pays. C’est logique puisque c'est le moment du budget, lequel est suivi avec d’autant plus d’attention cette année qu’il traduit les choix du nouveau président et de son gouvernement. Cette question a ainsi occupé une place de choix lors de l’émission consacrée au Premier ministre et une personnalité avait été spécialement invitée pour en débattre avec lui, l’ancien ministre de l’économie et aujourd’hui président du groupe de services informatiques ATOS, Thierry Breton. Leur discussion a porté sur le niveau excessif de la dette publique  et les risques que cela comportait en cas de remontée des taux d’intérêt. Le grand public n’est pas très familiarisé avec le fonctionnement des marchés financiers et il a dû être impressionné par les affirmations alarmistes des deux interlocuteurs, largement reprises par une bonne partie de la presse. Mais quand on y regarde de plus près, on doit convenir que ces affirmations étaient très exagérées quand elles n’étaient pas fallacieuses.

Il est classique pour faire passer des mesures impopulaires de dramatiser la situation. Mais les mesures prévues doivent être cohérentes avec ce discours. Or le paradoxe, c’est que malgré la dénonciation du niveau excessif de l’endettement, le déficit de l’Etat dans le projet de budget passe de 76,5 milliards en 2017 suivant les dernières estimations à 82,5 milliards. En deux ans, l’augmentation atteint même près de 15 milliards. Cette réalité est masquée par le fait que rapporté  au PIB, l’ensemble des déficits publics recule pour repasser en dessous de 3%. On peut s’en réjouir puisque cela fera enfin sortir la France de cette position humiliante qui consiste à être le dernier des grands pays de la zone euro à être placé sous la procédure du déficit excessif. Mais cela ne change rien au fait qu’un gouvernement ne saurait dénoncer le niveau de l’endettement public et dans le même temps l’accroître.

Pour comprendre les enjeux financiers, il faut distinguer le problème posé par le niveau de la dette et celui de son coût chaque année. A la fin du premier semestre, la dette publique atteignait 2232 milliards soit 99% du PIB, l’Etat comptant pour près de1800 milliards, soit bien plus que les 60% prévus dans les critères européens qui avaient été fixés à une autre époque où l’inflation, en tout cas en France, était rarement inférieure à 4%. Le poids réel de la dette était donc réduit  chaque année au détriment des épargnants. Mais le critère est-il approprié ? C’est discutable car l’endettement doit être rapporté à la richesse de l’endetté et la charge annuelle d’intérêt à ses revenus. En l’espèce, il s’agit des ménages puisque c’est sur eux, via l’impôt, que reposent ces charges. Or leur richesse est passée en 15 ans, d’après l’INSEE, de cinq ans et demi de revenus pour atteindre huit ans en 2015. Leur patrimoine s’élevait cette année-là à 10 700 milliards et leurs actifs financiers à 4800 milliards. Il a continué à augmenter depuis grâce à la reprise de l’immobilier et des marchés financiers. Au total, le rapport entre la richesse des ménages et l’endettement public a peu évolué ces dernières années et la solvabilité de la France n’en a pas été affectée. Mais cette situation n’affaiblit-elle pas notre souveraineté puisqu’une partie importante de cette dette serait détenue par des créanciers étrangers ? On remarquera le caractère polémique de ce débat puisque quand la part des étrangers augmente, on s’inquiète pour notre souveraineté et quand elle diminue on s’inquiète aussi mais cette fois pour notre attractivité. Ce que l’on oublie de mentionner, c’est que dans les statistiques figurent les fonds obligataires cotés au Luxembourg pour des raisons techniques mais qui sont détenus par des épargnants français au travers de leur assurance-vie, lesquels, en outre détiennent aussi beaucoup d’obligations européennes en euros.

Le second aspect de l’endettement, c’est son coût. Grâce à la baisse des taux d’intérêt il n’a pas augmenté comme cela était prévu dans les dernières lois de programmation des finances publiques mais il a baissé. Il aurait pu reculer davantage si en 2015 et 2016 l’Agence France Trésor n’avait pas eu recours à des émissions à des taux surévalués. Cette pratique a presque complètement cessé en 2017 puisque le montant des primes encaissées, mais qui ne sont pas pris en compte en la réduisant, dans la charge de la dette, ne sera que de 6 milliards contre plus de 20 milliards les deux années précédentes. La charge de la dette n’a donc pas augmenté, malgré la hausse de l’endettement et a même commencé à baisser. Pour 2018, le ministère des finances a basé son calcul sur une forte remontée des taux avec sur trois mois -0,1% et sur dix ans 1,85% à la fin de l’année prochaine. Ces prévisions viennent d'être infirmées par les dernièes délibérations de la BCE où il a été clairement question de repousser à 2019 toute hausse des taux et de poursuivre tout au mong de l'année prochaine la politique de rachat de dettes souveraines, même si les montants pourraient être réduits. De toutes façons, une éventuelle haussse des taux à court terme n'aurait que peu d’incidence sur le prochain budget et une hausse des taux à long terme n'en aurait aucune puisque les intérêts des emprunts émis l’an prochain ne devront être acquittés qu’en 2019. en outre le calcul de la charge pour 2018, stable par rapport à cette année laisse perplexe. Il y apparait un coût lié à l’indexation de certaines obligations de 2,44 milliard. Or d’après les tableaux de l’Agence France Trésor, il n’existe aucune OAT indexée arrivant à échéance l’an prochain. La vraie charge d’intérêt devrait donc être inférieure à 38 milliards, soit 3 milliards de moins que cette année.

Le dernier argument alarmiste du feuilleton concerne les conséquences d’une remontée des taux d’intérêt qui, au demeurant, est loin d’être acquise même si la BCE réduit ses achats de dettes publiques. Le haut niveau d’épargne financière des ménages en France, qui pourrait encore s’accroître du fait des réformes fiscales incluses dans le prochain budget, garantit que la demande restera élevée et suffisante pour contenir une éventuelle poussée des taux d’intérêt. Surtout, la dette française est à taux fixe et une remontée n’aurait aucun impact sur les émissions passées. Pour que cela affecte le budget, et encore de façon marginale, il faudrait que les nouvelles émissions se fassent à des taux supérieurs aux taux des émissions qui arrivent à maturité. C’est invraisemblable. Ainsi le 25 octobre prochain, l’Etat amortira une émission de 32,8 milliards portant intérêt de 4,25% coûtant ce jour-là pour la dernière fois 1,4 milliard d’euros d’intérêt. Elle sera remplacée par les emprunts émis en 2017 à un taux moyen de 0,7%, ce qui générera  une économie de plus d’un milliard d’euros pour chacune des prochaines années. Même si les taux remontent, la charge annuelle de notre dette sera pendant longtemps peu affectée du fait des baisses passées. Quand Thierry Breton et Edouard Philippe ont abordé le sujet, ignoraient-ils cette réalité comptable ou ont-ils délibérément tenu un discours alarmistes, mais sans fondement ?     

Le débat sur les finances publiques serait plus fécond s’il portait sur la nature des dépenses publiques. Si elles servent à alimenter une bureaucratie toujours plus envahissante, à financer le laxisme des prescriptions médicales ou l’incompétence des élus locaux qui contractent des prêts toxiques, alors oui, il convient de freiner la dépense publique et de réduire l’endettement. Mais si cette même dépense sert à préparer l’avenir, à construire des équipements collectifs et des infrastructures, à la recherche ou à revaloriser les traitements de fonctionnaires essentiels au bon fonctionnement des services publics, alors elle est parfaitement justifiée. C’est cela qui devrait être au cœur du débat et pas de vaines polémiques sur des risques qui sont artificiellement surestimés.

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