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Le blog d'Alain Boublil

 

Chine : les clignotants sont au vert

Infirmant une fois de plus les prévisions pessimistes des observateurs, notamment en France, l’économie chinoise a bien commencé l’année 2017. La croissance a atteint 6,9% au premier trimestre, nettement au dessus de l’objectif annuel de 6,5% qui a été fixé par le gouvernement. Ce n’est pas la seule bonne nouvelle. Le renversement de la position de l’administration américaine est aussi important. Durant sa campagne électorale, puis comme président élu avant d’entrer en fonction, Donald Trump n’avait jamais manqué une occasion de dénoncer le rôle néfaste de la Chine. Il avait promis d’instaurer de lourdes taxes sur ses exportations vers les Etats-Unis et de condamner les manipulations exercées sur sa monnaie, le Yuan, pour accroître ses parts de marché. En même temps, le candidat se déclarait proche de Vladimir Poutine et en phase avec ses choix stratégiques, l’accord avec l’OPEP, pour faire remonter les cours du pétrole, ce qui profitait aux producteurs américains, et le soutien en Syrie de Bachar-el-Assad. Tout cela appartient désormais au passé.

La rencontre en Floride avec le président chinois Xi Jinping, dans la demeure personnelle de son homologue américain, choix dont il ne faut pas sous-estimer le caractère symbolique, a permis d’apaiser les tensions. Il n’est plus question de taxer massivement les importations chinoises et les Etats-Unis n’accusent plus la Chine de manipuler sa monnaie, ce qui est une évidence puisque depuis six mois, la parité de la monnaie chinoise a été d’une étonnante stabilité et les fluctuations vis-à-vis du dollar résultent plus des incertitudes sur la politique monétaire américaine que de l’action des autorités de Pékin, qui ont même du soutenir leur devise en puisant dans leurs réserves. L’amélioration des relations avec les Etats-Unis n’est pas la seule bonne nouvelle qu’enregistrent les autorités chinoises.

Le krach boursier de l’été 2015 appartient au passé et la hausse des bourses de Hong Kong (+10%) et de Shanghai (+5%) depuis le début de l’année témoigne du retour de la confiance des investisseurs dans les entreprises chinoises. Les chiffres des premiers mois sont toujours à prendre avec précaution car ils dépendent de la date du « Nouvel An chinois » autour de laquelle l’activité économique chute. C’est pourquoi les chiffres trimestriels donnent une meilleure appréciation de la réalité. Au cours du premier trimestre, le rebond des exportations (+15%) et surtout des importations (+31%) a été spectaculaire, même si ce dernier chiffre intègre l’impact de la hausse des cours du pétrole par rapport à la même période de l’an dernier. La consommation d’électricité, qui donne une bonne image de l’activité a augmenté au même rythme que le PIB,  avec un rebond de l’industrie et du secteur tertiaire. La production a été tirée par la consommation des ménages (+10%) et les investissements dans les infrastructures publiques avec trois priorités : l’eau, le développement des énergies renouvelables et la conversion des anciennes centrales à charbon pour réduire les émissions de CO2, et les transports. Le vaste programme qui consiste à relier la Chine à ses voisins pour favoriser à la fois leur développement et les exportations chinoises se poursuit dans le cadre de la « Belt and Road initiative », qui fera l'objet d'une grande conférence internationale à Pékin au mois de mai. Le projet s’étend même à l’Europe puisqu’on a vu arriver en Allemagne les premiers trains de marchandises venant de Pékin, ce qui est moins coûteux et bien plus rapide qu’avec les traditionnelles voies maritimes. On compte sur le seul territoire national plus de 600 projets pour 1 300 milliards de dollars d’investissements. Les institutions financières chinoises sont mobilisées pour fournir les moyens. Le pays a lancé, il y a deux ans, une nouvelle banque pour apporter son concours aux projets internationaux et la plupart des pays développés se sont précipités pour souscrire lors de la création de son capital. On dit même, dans l’entourage des deux chefs d’Etat, que la question d’une participation de la Chine au grand programme d’investissement annoncé par Donald Trump lors de sa campagne électorale, aurait été évoquée entre les deux hommes en Floride. 

La mutation de la croissance chinoise ne porte pas seulement sur son rééquilibrage en faveur de la consommation des ménages, qui s’équipent en voitures et voyagent désormais dans le monde entier. Elle concerne aussi l’industrie. La Chine ne voulait déjà plus être l’usine du monde et servir de sous-traitant aux groupes étrangers ou de fournisseur de la grande distribution américaine. Ses marques s’imposent dans le pays et commencent à percer à l’étranger, soutenues par une vague d’investissements directs et d’acquisitions. Une nouvelle étape a maintenant commencé : passer du made in China au made by China. Les entreprises grâce à leur effort de recherche et de développement, apprennent à maîtriser les nouvelles technologies numériques qui bouleversent les processus de production. L’ambition est de passer du statut d’usine du monde à celui de laboratoire du monde. Les universités du pays forment chaque année des dizaines de milliers d’ingénieurs très hautement qualifiés qui sont tout de suite recrutés par les groupes chinois avec pour mission de transformer les outils de production. La concurrence chinoise va donc se déplacer vers des produits de plus en plus sophistiqués. Pékin vient de décider la création d’une nouvelle « Zone économique spéciale », à Xiongan, non loin de la capitale qu’il convient de désengorger. Elle sera pour l’industrie chinoise de demain ce que fut Shenzhen au tout début de l’ère des réformes.

Cette tendance n’a pas échappé à plusieurs grands groupes européens qui ont participé au forum de Pékin au mois de mars. Les dirigeants de Siemens, de Bosch et d’ABB ont réaffirmé leur volonté de participer à cette mutation industrielle. L’usine de Siemens implantée à Chengdu, la capitale de la province du Sechuan, serait même la première usine digitale du groupe à l’étranger et est citée en exemple par les autorités chinoises quand elles veulent démontrer que les groupes européens, par exemple, ne sont pas défavorisés par rapport à leurs concurrents locaux quand ils décident de s’implanter dans le pays. Il semble que le seul participant français notable à cette manifestation annuelle dans la capitale chinoise ait été le président de Michelin. La Chine est le premier marché automobile du monde de très loin, équivalent à l'addition des marchés européen et américain. La réussite de la restructuration de Peugeot n’est pas étrangère à l’alliance que l’entreprise a su nouer avec un partenaire chinois, Dong Feng qui a permis le développement de ses ventes dans le pays. Ce succès devrait servir d’exemple, en particulier dans le nucléaire où la coopération franco-chinoise est l’un des rares exemples de succès de l’industrie française en Chine.

L’année 2017 devrait donc être une bonne année pour l’économie chinoise malgré les incertitudes géopolitiques. Ce n’est pas un hasard : le renouvellement du mandat du président Xi Jinping interviendra à l’automne. On peut compter sur l’administration chinoise pour qu’il s’effectue dans un climat économique favorable. Les entreprises françaises feraient bien d’en prendre conscience afin de profiter, comme le font depuis longtemps leurs concurrents allemands et japonais, des opportunités qui existent dans ce pays.