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Le blog d'Alain Boublil

 

L'élection présidentielle et la politique économique

Depuis quelques jours, le feuilleton des « affaires » semble avoir enfin laissé la place aux sujets de fond dans la campagne pour l’élection présidentielle qui s’achèvera dans moins d’un mois. On doit s’en réjouir. Les prises de position sur la politique étrangère et la défense donnent une idée un peu plus claire des projets des principaux candidats dans ces domaines où, du fait de la Constitution, le chef de l’Etat est en première ligne. Mais ce n’est pas l’essentiel car les Français attendent de savoir dans quelle mesure les choix économiques du gouvernement actuel seront confirmés par Emmanuel Macron ou si des voies radicales comme le suggèrent Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon ou François Fillon seront adoptées. La position de Marine Le Pen est de peu d’intérêt car son projet d’organiser un référendum sur la sortie de la France de l’Union Européenne et de l’euro aura de telles conséquences que rien ne comptera face à la tempête financière déclenchée par cette perspective. Le débat économique ne s’arrêtera pas avec l’élection du nouveau président, le 7 mai, car c’est le gouvernement issu des élections législatives, au mois de juin, qui aura le dernier mot.

Le projet d’Emmanuel Macron consiste à confirmer le choix qu’il a inspiré quand il était à l’Elysée auprès de François Hollande en faveur du soutien de l’offre, à travers une baisse définitive des cotisations sociales. Le bilan est pourtant décevant. La croissance n’est pas repartie et le chômage, après la hausse considérable intervenue jusqu’à l’automne dernier  s’est à peine stabilisé. La croissance de l’économie française reste très insuffisante et le déficit commercial, hors énergie, s’est alourdi de façon considérable depuis deux ans, là aussi contrairement aux attentes. La « politique de l’offre » n’a eu qu’un seul effet concret : le redressement des marges des entreprises qui a été employé par celles-ci à stabiliser leur endettement et à accroître les dividendes et les hautes rémunérations des états-majors. Rien de significatif n’est prévu pour l’emploi et l’investissement. Emmanuel Macron propose aussi deux mesures fiscales importantes. La suppression de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables, qui sera compensée par l’Etat auprès des collectivités locales pour environ 10 milliards d’euros, profitera au pouvoir d’achat. La limitation de l’impôt sur la fortune aux biens immobiliers va également dans la bonne direction. La taxation de la propriété est notoirement faible en France et les allègements sur l’épargne financière seront les bienvenus. On ne peut pas se plaindre de la perte de nombreux joyaux industriels et des difficultés rencontrées pour la création et la transmission des entreprises et en même temps continuer de pénaliser la détention d’actions par rapport aux autres formes d’épargne. Ce programme, qui devra trouver une majorité au Parlement pour le voter, n’est pourtant pas assez ambitieux pour générer une  croissance suffisante et créer le cercle vertueux des créations d’emplois, des rentrées fiscales et des cotisations sociales permettant de réduire les déficits publics, comme l’avait connu la France de 1997 à 2002 lorsque Lionel Jospin était Premier ministre.

Le projet de François Fillon est bien plus brutal et c’est pour quoi il ne parvient pas, jusqu’à présent, à convaincre les français, si on se fie aux études d’opinion. Il propose un double choc, sur le pouvoir d’achat avec une forte hausse de la TVA et sur l’emploi avec la réduction des effectifs dans le secteur public. Il comporte aussi l’augmentation de la durée du travail et le recul de l’âge de départ en retraite. Face à la baisse de la demande, les entreprises n’auront pas les débouchés suffisants pour accroître leur production et elles ne  recruteront pas les centaines de milliers de jeunes qui arrivent tous les ans sur le marché du travail. La hausse du chômage relancera le climat d’insécurité qui pousse les salariés à différer leurs dépenses importantes et à épargner, pour se protéger en cas de pertes d’emploi. La croissance attendue ne sera donc pas au rendez-vous. L’allègement de la fiscalité sur les entreprises profitera là encore aux dividendes et aux cadres des grands groupes cotés et la suppression de l’ISF renforcera les inégalités. Plutôt que de baisser les effectifs des services publics, il serait plus efficace de réduire le nombre de bureaucrates à tous les niveaux. La diminution des effectifs sera moindre mais cela contribuera à freine la tendance aux changements continuels de réglementation et de fiscalité qui pèsent lourdement sur la vie et la compétitivité des entreprises.

Les deux candidats de gauche, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, proposent de faire le contraire et de miser sur la relance de la consommation, le premier à travers une nouvelle prestation, improprement appelée le revenu universel, puisque elle ne bénéficiera qu’à la moitié des français, et le second grâce à une forte hausse des salaires. Ils ne font plus du respect des engagements budgétaires européens une priorité et proposent de renégocier les traités afin de s’affranchir de la règle des 3% de déficit. Le principal argument qui leur est opposé est qu’une relance de la demande accroîtrait le déficit commercial et ne créerait pas d’emplois en France. C’est peu convaincant car la majeure partie de la consommation concerne les loyers, l’alimentation et l’énergie et une amélioration du pouvoir d’achat a peu de conséquences significatives sur les importations. La baisse de la durée du travail, qu’ils soutiennent tous les deux, est efficace pour réduire le chômage. Cela a pu être constaté entre 1998 et 2002. En revanche la reprise des positions les plus extrêmes des écologistes, absents de l’élection présidentielle, est dangereuse. Elle rompt avec la tradition de la gauche qui faisait rimer le progrès technique avec le progrès social. On revient à un nihilisme que l’on croyait avoir abandonné. Taxer les robots est aussi absurde que de s’en prendre aux tracteurs. La condamnation de la production nucléaire met en péril l’approvisionnement énergétique de la France sauf à rouvrir des centrales à charbon comme en Allemagne. Croire que les énergies renouvelables, par nature intermittentes, pourraient s’y substituer, est illusoire tant que des progrès significatifs n’auront pas été enregistrés dans le stockage de l’électricité. Cela mettra beaucoup de temps à supposer que cela intervienne un jour. Préférer des subventions publiques massives qui pèsent sur le pouvoir d’achat à l’exploitation d’une technologie que l’industrie française maîtrise, qui génère des emplois qualifiés et offre aux consommateurs et aux entreprises une électricité sure et  moins coûteuse que dans tous les pays européens et qui est un progrès que la gauche aujourd’hui ne saurait renier, est aussi absurde. Prétendre enfin que la transition écologique créera des millions d’emplois ne repose sur rien tant que les mécanismes d’incitation, forcément coûteux, n’auront pas été précisés. Les propositions de ces deux candidats comportent donc trop de lacunes pour convaincre un nombre suffisant d’électeurs.

L’attrait de tous ces programmes ne résidera pas davantage dans un chiffrage par nature aléatoire et donc peu crédible. Leurs auteurs ne pourront convaincre que s’ils trouvent un juste équilibre entre leur capacité à répondre aux aspirations des électeurs et une efficacité qui leur appartient de démontrer. C’est pourquoi les solutions extrêmes ont peu de chance de profiter à ceux qui les proposent et d’être soutenues par une majorité de français.