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Le blog d'Alain Boublil

 

France : l'ére de la "patapolitique"

En 1897, l’écrivain Alfred Jarry inventa un concept : la pataphysique, qui inspirera notamment les surréalistes. C’était la science des solutions imaginaires. La campagne pour les élections présidentielles qui se déroule en ce moment en France mériterait que l’on en invente un nouveau, la patapolitique, la science des solutions politiques imaginaires, qui figurent dans les programmes de certains candidats. Ceux-ci défendent des propositions complètement inadaptées aux problèmes auxquels est confrontée la France, mais elles sont présentées comme des solutions capables de faire rêver.

La palme revient, sans hésiter, à Marine Le Pen avec le projet de sortie de l’euro. Cela aurait des conséquences désastreuses sans que les objectifs qu’elle poursuit aient une quelconque chance de se réaliser. Les Français se précipiteraient dans leurs agences bancaires pour retirer le maximum d’euros. Les distributeurs automatiques seraient pris d’assaut. Pourquoi y laisser ses économies pour qu’elles soient converties en « nouveaux francs » dont la valeur serait au minimum inférieure de 20% à son équivalent en euro. Les banques devraient alors fermer leurs guichets et l’Etat obligé de limiter les retraits. La France vivrait une situation analogue à celle de la Grèce en 2012. Les entreprises qui ont contracté des emprunts en euros devraient bien les rembourser avec une monnaie dévaluée, ce qui mettrait nombre d’entre elles en difficulté, à commencer par  EDF. Sa dette est proche de 60 milliards. Il ne lui resterait qu’à augmenter encore le prix de l’électricité. Le grand perdant serait l’Etat. Les marchés financiers s’en inquiètent déjà et l’écart de taux avec l’Allemagne se creuse. Un emprunt de 34 milliards vient à échéance au mois d’octobre. Le rembourser en francs, quelque soit le cours, équivaudrait  à un défaut de paiement, comme l’Argentine en 2001. Il en ira de même des intérêts que l’Etat paye sur les 2000 milliards de la dette publique. Enfin la dévaluation provoquerait une hausse des prix des produits importés, l’essence mais aussi les chaussures ou les portables. On entre dans le modèle brésilien.

Dans les solutions politiques imaginaires, Marine Le Pen est suivie de près par Jean Luc Mélenchon qui propose de fermer toutes les centrales nucléaires. On peut revenir au chauffage au bois, mais avec les émissions de particules, ce n’est pas très écologique. Donc, ce seraient les énergies renouvelables. Mais elles ne fournissent pas l’énergie quand on en a besoin. Quand il fait froid, il y a peu de vent et l’hiver, il fait nuit trop tôt pour que les panneaux solaires soient utilisés à plein. Les chiffres de production et de consommation d’énergie au 4ème trimestre nous rappellent à la réalité. Il a fait plus froid que d’habitude et plusieurs centrales nucléaires étaient à l’arrêt. On a donc pu vérifier en vraie grandeur, si on était en mesure de se passer de l’énergie nucléaire. Le constat est sans appel : les énergies renouvelables n’ont pas été en mesure de répondre à la demande. La production des éoliennes a baissé de 20% et si les panneaux solaires ont résisté (+ 10%), leur part est marginale : ils ne produisent que 0,8% de l’électricité malgré les subventions massives dont ils ont bénéficié depuis près de dix ans. Heureusement, il avait beaucoup plu et nos barrages ont pu être appelés en renfort, mais ils n’ont pu fournir que 8,6% de l’électricité. Le résultat, c’est qu’il a fallu cesser d’exporter et mettre en marche toutes les centrales à gaz et au charbon : la production d’origine thermique a bondi de 47% et les importations de gaz naturel et de charbon s’envolent car il faut reconstituer les stocks. La part du nucléaire, a atteint malgré tout 71%, contre près de 80% habituellement à cette période de l’année. L’idée de la ramener à 50% entrainerait une explosion de nos émissions de CO2 et une augmentation insupportable de notre déficit extérieur déjà bien lourd. Quant à fermer toutes les centrales nucléaires, il ne faut pas y penser, même à long terme. Les énergies renouvelables, autonomes ou pas, ne donneront jamais une sécurité d’approvisionnement comparable à ce que nous connaissons aujourd’hui. Cette politique est absurde et impossible à mettre en pratique. Ou alors, il faudrait renoncer à l’électricité…

Autre solution  imaginaire, le choix de François Fillon de rompre avec la tendance séculaire à la réduction de la durée du travail. C’est facile à proposer mais son résultat sera d’accroître le chômage et non de le diminuer. Supprimer la durée légale du travail et encourager les entreprises à forcer les salariés à travailler plus longtemps aboutit mécaniquement à une baisse des embauches. Or l’innovation, et qui peut prétendre qu’elle va se ralentir, joue toujours dans le même sens : réduire le recours à la main d’œuvre. Avant-hier, c’était l’agriculture, avec les tracteurs, hier, c’était l’industrie avec les machines outils et les robots et demain avec les imprimantes 3D qui permettront de faire du sur-mesure au même coût que les productions à la chaîne. La même vague touche les services : banque en ligne et distributeurs automatiques de billets, paiements sans contact, délivrance et contrôle des billets d’avions par internet et contrôle par des bornes dans les aéroports, et pourquoi pas, voitures autonomes. La liste est longue des solutions trouvées pour réduire le travail. Prétendre que ces innovations créeront dans l’avenir autant d’emplois qu’elles en détruiront est aussi stupide que si l’on avait pensé, à l’époque que l’industrie du machinisme agricole allait recruter tous ceux qui avaient perdu leur emploi dans les exploitations. Mais cette solution imaginaire, à la différence des autres, a une originalité : elle est punitive.

Au contraire, Benoît Hamon propose, lui, une solution tout aussi imaginaire mais qui fait rêver, le revenu universel. chacun y aurait droit, sans que cela soit lié à une activité productive passée, présente ou future. Il existe, au titre des transferts sociaux et pour réduire la pauvreté de multiples allocations, attribuées sous conditions aux bénéficiaires. On pourrait  les fusionner mais ce n’est pas simple car ces prestations s’adressent à des personnes dans des situations différentes. L’idée sous-jacente au revenu universel, c’est que sa distribution serait automatique et donc, indépendante du fait que le bénéficiaire exerce une activité productive, et contribue, ou non, aux charges publiques. Il n’y a plus de lien entre le travail accompli et un avantage accordé par la collectivité. En d’autres termes, le travail ne compte plus. Nous sommes transportés, par la magie de l’élection, dans le jardin d’Eden. On nous promet le paradis. A ce stade, le débat sur le caractère utopique de cette proposition et surtout, sur l’impossibilité de la financer, est secondaire par rapport à la vision du travail qu’en a son promoteur. Il ne semble pas concevoir qu’on puisse s’y épanouir et tirer une légitime fierté de ce qu’on entreprend ou de ce qu’on crée par son travail. Quant au coût, évalué, suivant les formules entre 200 et 400 milliards, il est impossible à supporter compte tenu du niveau des déficits publics et de la pression fiscale. C’est donc bien une solution imaginaire, qui relève, comme les trois autres de la patapolitique.

Emmanuel Macron n’ayant pas encore formulé ses propositions, il est trop tôt  pour les juger, mais on ne peut exclure qu’il tombe dans le même travers, tant la pression médiatique incite les candidats à dire n’importe quoi sans que cela donne lieu à un débat de fond.