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Le blog d'Alain Boublil

 

François Fillon : le dernière chance de François Hollande

La large victoire de François Fillon est une bonne nouvelle pour François Hollande pour deux raisons. D’abord, elle confirme que les sondages n’ont pas de caractère prédictif. Ce sont d’ailleurs ces instituts, et tous ceux qui, à longueur d’éditoriaux, les commentent qui sont les vrais perdants de la primaire de la droite et du centre. A aucun moment, durant la semaine qui a précédé le premier tour n’a été envisagé que celui qui a finalement gagné, n’allait même être présent au second tour. Pour maintenir le suspens, donc l’attention des spectateurs et l’intérêt de leurs clients, les instituts suivant leur habitude ont indiqué que « l’écart se resserrait » avec Nicolas Sarkozy, qui finira troisième. Mais personne n’imaginait que François Fillon terminerait premier et encore moins avec une telle avance sur Alain Juppé. C’est, en soi, une bonne nouvelle pour François Hollande, puisque c’est sur la base de ce genre de sondage qu’on lui prédit un lourd échec s’il décide de se représenter. Depuis le résultat de cette  première primaire, l’argument a perdu toute portée et il est facile d’imaginer ce qu’il répondrait si on cherchait à le dissuader de cette façon.

La deuxième bonne nouvelle tient au programme de François Fillon. Il a tout pour révolter l’électorat traditionnel de la gauche, et en particulier les salariés du secteur public comme du secteur privé. On n’est d’ailleurs pas surpris de constater que sa victoire est largement le fait du choix des retraités aisés. Eux n’ont évidemment rien à craindre puisqu’ils ont déjà fait valoir leurs droits et ils ne sentent pas gênés, après avoir pris leur retraite à soixante ans, d’imposer à leurs cadets plusieurs années de plus au travail, quand ils en ont un. Dans le cas contraire, il ne leur restera qu’à émarger aux différents dispositifs de chômage puis de préretraite. Les propositions de François Fillon peuvent non seulement remobiliser la gauche mais aussi contribuer à faire taire, au moins en partie, ses divisions et favoriser son rassemblement, sans lequel aucune victoire n’est possible ni même une place au deuxième tour de l’élection présidentielle. François Hollande serait alors en meilleure position pour fédérer son camp, à l’exception, c’est sûr, de Jean-Luc Mélenchon. Mais le ralliement de celui-ci au deuxième tour, en cas de réussite du rassemblement, serait de toute façon acquis. Qui, à gauche, peut observer, sans les combattre, les propositions du nouveau candidat de la droite ? Personne.

Sur le strict terrain économique, François Fillon voit dans le poids excessif de l’Etat et de ses fonctionnaires la cause principale des difficultés de nos entreprises et dans la trop grande générosité du système de protection sociale l’origine du chômage, puisque celui-ci n’inciterait pas à reprendre le travail. Enfin, il brandit la menace d’un endettement excessif de la France. Ce n’est pas nouveau. A peine nommé premier ministre, durant l’été 2007, il déclarait qu’il était « à la tête d’un Etat en faillite ». A son arrivée à Matignon, notre dette publique, au sens de Maastricht, est alors de 1263 milliards d’euros. Cinq ans après, quand il quitte son poste, elle a augmenté de 607 milliards. Il n’a rien fait pour remédier à une situation qu’il jugeait catastrophique, mais son gouvernement n’a eu aucun mal à trouver le financement. De deux choses l’une : ou François Fillon invoque ce type d’argument pour faire peur et rallier des supports, mais il sait pertinemment qu’au fond, cela ne repose sur rien. Ou il ignore comment fonctionnent les marchés financiers. Au vu de ses dernières déclarations sur les conséquences d’un relèvement des taux d’intérêt, on pencherait plutôt pour la seconde hypothèse. D’abord, la hausse des taux actuelle est très faible et la France continue pour sa trésorerie, à percevoir des taux négatifs. Pour le financement à moyen et long terme, le taux reste nul jusqu’à une échéance de six ans et dépasse péniblement 0,7% pour de emprunts au-delà de dix ans. Une hausse  des taux longs, autour de 2,5% par exemple, n’aurait aucun effet significatif sur la charge de la dette avant au moins cinq ans. Nous continuerons, durant cette période à amortir des emprunts émis par le passé à des taux bien supérieurs. La baisse de la charge de la dette publique, puisque nous émettons à taux fixe, va donc se poursuivre, contrairement à ce qu’affirme François Fillon.

Son projet de politique économique repose sur la même erreur que ce qui a conduit à l’échec l’action de François Hollande. Imaginer que de nouveaux transferts en faveur des entreprises, financés par une pression fiscale accrue sur les ménages vont rétablir la croissance et endiguer le chômage est absurde. En l’absence de demande intérieure, qui va investir, qui va recruter ? Personne. Les entreprises qui auront accru leurs résultats utiliseront ces ressources pour se désendetter et pour rémunérer leurs actionnaires et leurs dirigeants ou même pour investir à l’étranger. Quant aux ménages, frappés par la baisse de leur pouvoir d’achat, ils vont devoir affronter une augmentation de leur précarité avec les projets en matière de droit du travail, de retraites et s’inquiéter pour la prise en charge de leurs dépenses de santé. Qui peut imaginer que cela va les inciter à consommer davantage ou à faire des travaux dans leurs logements ?

Venant d’un gaulliste, ou de quelqu’un qui s’en réclame, la stigmatisation des services publics est incompréhensible. Débureaucratiser la France en réduisant le poids des ministères et des multiples organismes qui entravent l’activité économique ou en simplifiant le "mille-feuille" territorial est évidemment souhaitable, mais si l’on a bien compris le message du candidat de la droite et du centre, il s’agit d’abord de réduire le nombre d’agents publics. Les services les plus nombreux, l’éducation, la justice, la police, l’armée et la santé vont faire les frais de ce choix idéologique. De telles propositions sont de nature à susciter le rejet de toute une partie de la population. Encore faudra-t-il qu’elle trouve une offre politique capable de répondre à leurs inquiétudes. Si la gauche comprend que l’heure n’est plus aux querelles théologiques entre le social-libéralisme, la « vieille gauche » et la gauche de gouvernement, querelles qui ne reflétaient en réalité que le choc des ambitions personnelles, elle peut offrir cette réponse à tous ceux qui vont inévitablement s’interroger sur les conséquences immédiates et irréversibles pour leur propre situation d’un choix en faveur de la droite. François Hollande, en concédant aux « frondeurs » que toutes ses décisions n’ont pas été aussi pertinentes qu’il le pensait et en garantissant à ceux qui défendent la liberté d’entreprendre qu’il poursuivra une politique dynamique en faveur de l’investissement et de l’emploi, pourrait espérer conduire et gagner la bataille politique contre la droite.

Le retour au cœur du débat d’un vrai affrontement droite-gauche sur la conception que chaque camp a du progrès social, de la répartition des richesses, du maintien de la qualité des services publics a un autre avantage : il marginalise le Front national dont les propositions économiques sont indigentes, ce qu’il a réussi à cacher en concentrant l’attention sur la stigmatisation de l’immigration et sur le rejet de l' Europe. A la gauche de saisir cette occasion en bâtissant un programme économique qui assume les erreurs du passé et qui propose pour notre pays une autre voie que celle proposée par le droite. C’est sa dernière chance.