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Le blog d'Alain Boublil

 

Shanghai: la prochaine capitale financière internationale

Les transformations en cours de l’économie chinoise et l’implication croissante de ses entreprises sur le marché mondial vont nécessiter que le pays dispose d’une place financière de haut niveau où seront traitées les transactions avec l’étranger. Ce lieu est tout trouvé : ce sera Shanghai. L’internationalisation du Yuan, commencé il y a près de 10 ans, dans l’indifférence générale, voire dans le déni, comme en France, suit son cours et même s’accélère. Les soubresauts monétaires intervenus l’an dernier quand la banque centrale chinoise a décidé de modifier son système d’intervention avec une certaine maladresse due à son inexpérience, font partie du passé. L’inclusion du Yuan dans le panier des monnaies de réserves constitué par le FMI, s’est déroulée sans difficultés et ces dernières semaines, la devise chinoise n’a pas été particulièrement affectée par les turbulences dues d’abord au Brexit, avec la chute de la livre sterling, puis à la suite de l’élection de Donald Trump avec la hausse du dollar. Entre 2012 et le milieu de l’année 2015, la parité Yuan-Dollar avait peu fluctué autour de 6.20 yuans pour un dollar et la monnaie chinoise s’était donc apprécié face à l’euro. A partir de l’été 2015, c’est le mouvement inverse qui s’est produit : le yuan n’a plus suivi la hausse du dollar et est devenu stable, cette fois par rapport à l’euro, autour de 7,20 yuans pour un euro même lors de la nouvelle hausse consécutive à l’élection de Donald Trump.

La banque centrale chinoise a donc géré son taux de change avec pragmatisme et se prépare manifestement à une nouvelle étape de libéralisation des mouvements de capitaux en assurant la libre convertibilité des yuans détenus à l’étranger. La création d’un vrai marché des changes chinois unifié est prévisible et sa localisation est toute désignée, Shanghai, où à côté du marché des actions commencent à être émises par des entreprises étrangères des obligations libellées en yuan, les « panda bonds », pour financer leurs investissements dans la région. Jusqu’à présent ces opérations se faisaient essentiellement depuis Hong Kong. Le moment est donc proche où l’essentiel des transactions en monnaie chinoise sera regroupé et où des liaisons directes seront créées avec les autres places occidentales, Londres, New York et Paris, puisqu’un accord de principe a été conclu. Les escales de Hong Kong et de Singapour n’auront alors plus lieu d’être.

La seconde mutation de l’économie chinoise porte sur le rôle croissant des marchés financiers dans le financement des entreprises. Les introductions en bourse se sont multipliées ces dernières années, à Shanghai comme sur la place de Hong Kong. Les deux marchés vont devenir  interdépendants et bientôt les restrictions aux acquisitions de titres chinois par des non-résidents seront levées. La cotation à Hong Kong perdra, là encore, beaucoup de sa justification. Les entreprises, pour leur développement en Chine comme pour procéder à des acquisitions dans leur pays ou à l’étranger auront de plus en plus recours aux marchés financiers. Il en ira de même pour participer à des grands projets d’investissement comme ceux décrits dans la Belt and Road Initiative, lancée par le gouvernement chinois. Jusqu’à présent, tout se passait à Pékin puisque c’était l’Etat qui avait le dernier mot. La montée du secteur privé, spectaculaire depuis cinq ans et pas seulement dans les ventes par internet avec Alibaba, mais aussi dans le tourisme et la production de biens de consommation, a pour conséquence un développement des  opérations de marché : introductions, levées de fonds, fusions et acquisitions. Il y a environ 1200 sociétés cotées pour une capitalisation boursière totale de plus de 4 000 milliards de dollars. Depuis le début de l'année, les introductions en bourse se sont élevées à 12,8 milliards de dollars, contre seulement 11,7 milliards à New York. La bourse de Shanghai se situe désormais au 5ème rang mondial et ce n’est qu’un début. Elle a retrouvé son équilibre après le Krach de l’été 2015 provoqué par les excès de la spéculation locale et a même presque effacé ses pertes par rapport au début de l’année. La ville commence à en profiter largement. Elle accueille les directions compétentes des entreprises chinoises cotées, et parfois leurs sièges. Les banques chinoises ont installé sur place les équipes en charge des activités de marché qui vont se développer très vite au fil de la libéralisation financière du pays. Leurs concurrentes étrangères comptent bien y participer aussi à l’instar d’HSBC. Une tour, érigée dans le nouveau quartier de Pudong, de l’autre côté de la rivière qui borde la ville, porte sa marque et témoigne de la volonté de cet établissement qui a joué un rôle historique dans la région, de retrouver toute sa place. Les principales sociétés d’audit, Deloitte ou KPMG n’ont pas tardé à venir non plus, comme les grands cabinets d’avocats anglo-saxons. Une place financière, ce n’est pas seulement un lieu où sont cotées et échangées des devises ou des actions. C’est tout un ensemble de services liés à la réalisation de ces transactions ou des opérations sur les marchés qui sera forcément cosmopolite, comme le sont, et c’est une des raisons de leurs succès, Londres et New York, par exemple. Shanghai est ainsi appelé, dans un futur proche, à devenir le premier centre financier d’Asie et s’y prépare activement. C’est une étonnante revanche pour une ville qui a eu un passé tumultueux.

A l’échelle de l’histoire chinoise, c’est presque une ville nouvelle. Dans la Chine impériale, les grandes métropoles et les centres de décision politique et militaire étaient située au nord du Yang-Tze, le sud étant réservé aux marchands que le pouvoir ne tenait pas en haute estime. Seule exception, durant le XIIème et le XIIIème sicle, la dynastie des Song du sud s’implantèrent à Hangzhou, situé à 200 kms de la localisation actuelle de Shanghai. C’est toujours un lieu privilégié et hautement symbolique. Il a accueillit les discussions secrètes avec Henry Kissinger pour préparer la reconnaissance du pays par les Etats-Unis et encore récemment le dernier G20 au mois d’octobre. Shanghai n’apparaîtra vraiment sur la carte chinoise qu’à la suite de l’humiliante défaite du pays et de la signature des Traités Inégaux où y seront attribuées aux vainqueurs des concessions territoriales. Le centre de la ville est encore marqué par ces constructions d’inspiration hausmannienne, anglaise ou parfois même Art Déco. La ville sera longtemps contrôlée par les partisans de Tchang-Kai-Chek, et aura la réputation d’être un des derniers vestiges du capitalisme dans le pays, ce que Mao ne pardonnera pas. Même Deng Xiaoping, lors du lancement de ses grandes réformes, laissera Shanghai de côté et ne lui attribuera pas de zone économique spéciale dont on sait aujourd’hui le rôle déterminant qu’elles ont joué dans le décollage du pays. C’est Shenzhen et un peu plus au nord Shantou qui seront choisis. Ce n’est qu’après les dramatiques évènements de la place Tien an men,  que tout change. Dans son voyage dans le sud, en 1992, le leader chinois donnera enfin son feu vert au développement de Shanghai. Il avait appelé son maire, Zhu Rongji, au gouvernement, lequel sera peu après nommé premier ministre et il le restera jusqu’en 2003. La construction du quartier de Pudong, symbole de la modernité et de l’audace architecturale de la Chine du XXIème siècle, pouvait alors commencer et le mouvement n’est pas prêt de s’arrêter, compte tenu des enjeux considérables qui s’annoncent : financer les entreprises de la deuxième économie mondiale.