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Le blog d'Alain Boublil

 

Donald Trump et les énergies fossiles

La surprise créée par l’élection de Donald Trump n’a maintenant d’égale que les incertitudes portant sur ses choix économiques. Il n’est pas rare que les affirmations d’un candidat durant sa campagne comme ses promesses ne donnent pas une idée exacte de ce qu’il va faire, une fois élu. Et nous, en France, nous sommes mal placés pour donner des leçons en la matière. La situation se complique aux Etats-Unis parce que le président dépend du Congrès, pour la politique économique, pour les choix budgétaires et pour les réformes sociales. Le nouveau président, dans ce domaine sera donc dans une situation plus facile que son prédécesseur, puisque le parti républicain, dont il était le candidat, détient la majorité au Sénat et à la Chambre des Représentants. On pourrait penser que sa tâche en sera simplifiée et que la politique qu’il projette de mettre en place est plus facile à prévoir. Ce n’est pas le cas car durant la campagne, il a suscité de très fortes oppositions des leaders de son parti, et pas seulement sur les questions de société. Sa carrière d’homme d’affaires dans l’immobilier comme ses propos laissent prévoir l’adoption de dispositions fiscales plus favorables aux entreprises et aux entrepreneurs. Mais leur ampleur sera dictée par le Congrès et elle devra nécessairement tenir compte de la situation budgétaire du pays, qui continue de connaître un lourd déficit.

La politique commerciale sera, au contraire, très éloignée des déclarations protectionnistes et unilatérales du candidat. Pour renégocier des accords ou pour en conclure de nouveaux, il faut être deux. Le ton employé durant la campagne, et que personne en dehors des Etats-Unis, n’a oublié, ne facilitera pas la tâche du nouveau président. Ses partenaires sont prévenus et sont sur leurs gardes. La majorité des grandes entreprises américaines est satisfaite de la situation actuelle, pour la bonne raison qu’elle est conforme à leurs intérêts. Elles ne ménageront pas leurs efforts auprès de la Maison Blanche comme auprès du Congrès pour  défendre leurs points de vue. Les relations avec la Chine fourniront un bon test. Si les Etats-Unis ont un déficit très important avec ce pays, c’est autant le fait des firmes américaines, dans la grande distribution en particulier, que de l’agressivité commerciale des entreprises chinoises. On peut parier qu’à l’exception d’un ou deux secteurs sensibles, comme la sidérurgie, rien ne changera de façon significative. Le Japon est inquiet, et pas seulement à cause de l’ajournement de l’approbation du traité « Trans-Pacifique » jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau président. Ses collaborateurs lui expliqueront qu’il est délicat de créer des tensions avec ces deux pays en même temps car ils sont les plus gros détenteurs de la dette américaine. Il comprendra. Le projet de traité avec l’Europe suscite ici beaucoup de réserves. Un accord « soft »sera facile à trouver pour que les discussions se poursuivent. Un bouleversement dans le commerce mondial n’est pas à craindre. Ceux qui voient dans son élection un signe avant-coureur d’une « dé -mondialisation » en seront pour leurs frais.

Les déclarations ambitieuses sur la modernisation des infrastructures américaines devront aussi être révisées à la baisse. C’est dommage car le pays en aurait bien besoin. Il suffit de prendre le train entre Washington et New York pour s’en convaincre ou regarder l’état des grands ponts qui relient Manhattan au reste de l’Amérique. L’entourage du président élu a commencé à tempérer l’enthousiasme qu’avaient suscité ses propos très keynésiens. On réfléchit plutôt à des montages financiers dotés d’avantages fiscaux permettant à des opérateurs privés d’initier des projets. Mais le temps que ces dispositifs soient validés par le Congrès, que les projets soient choisis et que les procédures de lancement des travaux aient abouti, on peut parier qu’il faudra à Donald Trump un second mandat pour qu’il puisse assister à leurs inaugurations. Contrairement à ce que les marchés financiers ont anticipé, cet aspect de la politique de la nouvelle administration n’aura pas de conséquences à court terme sur la croissance américaine.

Il y a pourtant un domaine où le président élu a été très clair et où il aura le plein accord de son parti, c’est la politique de l’énergie. Son soutien aux mineurs de charbon a été un temps fort de sa campagne. Il n’a pas eu affaire à des ingrats puisqu’il a remporté plusieurs Etats clé grâce à eux, comme la Pennsylvanie. Il va certainement leur témoigner sa reconnaissance et, à la différence des autres domaines, il en aura les moyens. La révolution du gaz de schiste a eu un effet spectaculaire sur l’environnement. Les émissions de CO2 des Etats-Unis ont baissé comme en Chine, ce qui a permis de compenser la hausse observée ailleurs, en Inde (+5%) et en Europe (+1,4%). La production des nouveaux gisements de gaz, a rendu cette source d’énergie compétitive face au charbon, permettant un basculement au profit des centrales à gaz de la production d’électricité. Barack Obama, en faisant adopter le controversé « Clean Air Act » avait proposé d’aller encore plus loin en imposant des normes plus sévères pour les centrales à charbon, provoquant leur fermeture, une nouvelle diminution des besoins et des licenciements de mineurs. Donald Trump reviendra sans aucun doute sur cette politique et tentera, avec des mécanismes fiscaux si nécessaires, de protéger la production charbonnière. Parallèlement, il a indiqué qu’il allégerait les contraintes environnementales sur l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz de schiste. Les décisions à venir de l’administration américaine, inspirées par le nouveau président, fidèles sur ce point à ses discours de candidat, vont encourager un accroissement de la production. Il disposera là aussi des soutiens politiques nécessaires pour que ces mesures entrent en vigueur rapidement. L’objectif est de rendre aux Etats-Unis son indépendance énergétique et de lui permettre en plus d’accroître ses exportations d’énergies fossiles. Ces choix politiques auront deux conséquences.

Quelques soient les décisions de l’OPEP attendues à la fin du mois, l’excédent de production de pétrole et de gaz naturel s’amplifiera. Un redressement significatif des cours est donc très peu probable. La stratégie de l’Arabie Saoudite qui misait sur leur chute pour décourager les producteurs américains a échoué car ceux-ci ont réussi à réduire leurs coûts. L’élection de Donald Trump ne va pas, bien au contraire, inverser la tendance et un échec des discussions au sein de l’OPEP, provoquerait inévitablement une nouvelle baisse des cours. La seconde conséquence concerne le climat. Les Etats-Unis, ce n’est pas le moindre des paradoxes, avait jusqu’à présent joué un rôle très positif dans la stabilisation des émissions à l’échelle de la planète. Il est hautement probable que cette période soit révolue. Il n’y a même pas besoin de remettre en cause l’Accord de Paris car celui-ci n’a pas de caractère contraignant pour les Etats signataires. Le Congrès ne sera donc pas saisi puisque il n’a pas eu à voter sa ratification. Quant à l’opinion publique américaine, et c’est aussi une des raisons du succès de Donald Trump, sa priorité, c’est que ses dirigeants trouvent des solutions aux préoccupations immédiates de chacun. Il y a donc peu de chances pour qu’elle se mobilise pour le climat. Les organisateurs de la COP 23 qui se tiendra dans un an ont du souci à se faire.